(La Paz) Nomination d’un gouvernement, convocation d’élections : dans une Bolivie encore secouée par des manifestations, la présidente par intérim Jeanine Añez tentait mercredi de combler le vide politique laissé par le départ d’Evo Morales, qui s’est déjà dit prêt à rentrer pour « apaiser » la situation.

Au premier jour de fonction de Mme Añez, des affrontements ont éclaté entre des manifestants partisans de l’ancien chef de l’État et les forces de l’ordre.

Dans le village de Yapacani, à l’est du pays, non loin de Santa Cruz, un homme de 20 ans a été tué d’une balle dans la tête lors de heurts entre manifestants pro-Morales et la police, selon un médecin interrogé par la radio locale Fides.

AFP

Des partisans d'Evo Morales ont défilé dans les rues de La Paz mercredi.

Depuis le début de la crise postélectorale fin octobre, dix personnes ont trouvé la mort, dont huit ont été tuées par balle, selon le dernier rapport du parquet général rendu public mercredi. Un précédent bilan faisait état de sept morts.

De violents affrontements ont eu lieu également à La Paz, a constaté l’AFP.

Plusieurs centaines de personnes ont jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène non loin du siège du gouvernement, où la dirigeante était en train de nommer un nouveau commandement militaire lors d’une cérémonie officielle.

Quelque 3000 manifestants étaient arrivés en milieu d’après-midi dans le centre-ville en provenance de la ville voisine d’El Alto, favorable à Evo Morales.  

En début de journée, les habitants avaient tenté de reprendre une vie normale, les bus étant de retour dans les rues et la quasi-totalité des dix lignes de téléphérique sillonnant à nouveau la ville, après deux jours d’arrêt complet.

Les banques et les commerces ont également rouvert, alors que pillages et saccages ont eu lieu depuis dimanche soir après la démission de l’ex-président.  

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Evo Morales a rencontré mercredi la mairesse de Mexico Claudia Sheinbaum.

Depuis Mexico, où il est arrivé mardi pour y bénéficier de l’asile politique,  Evo Morales s’est dit prêt à rentrer en Bolivie pour « apaiser » la situation.

« Si mon peuple le demande, nous sommes disposés à retourner (en Bolivie) pour apaiser la situation », a déclaré M. Morales lors d’une conférence de presse à Mexico. « Nous reviendrons tôt ou tard », a-t-il assuré, appelant à un « dialogue national » afin de résoudre la crise qui agite son pays.

Les États-Unis ont reconnu mercredi Mme Añez comme présidente de la Bolivie. « Les États-Unis saluent la décision de la sénatrice bolivienne Jeanine Añez de prendre la présidence par intérim afin de mener sa nation durant cette transition démocratique », a déclaré le secrétaire d’État américain Mike Pompeo dans un communiqué.

M. Morales avait condamné cette annonce avant même qu’elle ne soit formalisée. « Nous condamnons la décision de Trump de reconnaître le gouvernement de facto et autoproclamé de la droite », a-t-il tweeté plusieurs heures avant le communiqué de M. Pompeo, estimant que « le coup d’État qui a causé la mort de mes frères boliviens est un complot politique et économique qui vient des États-Unis ».

Fermer le Parlement ? -

Parallèlement,  la nouvelle présidente a commencé à nommer son gouvernement en désignant onze ministres. L’universitaire et ex-diplomate Karen Longari a ainsi obtenu le portefeuille des Affaires étrangères, et le sénateur de droite Arturo Murillo celui de l’Intérieur.

Quasiment inconnue, Mme Añez, une avocate de 52 ans critique de l’ex-président socialiste, a pris ses fonctions mardi, Bible en main et ceinte de l’écharpe présidentielle, à la faveur d’une vacance de pouvoir provoquée par les démissions successives de M. Morales et de ses successeurs constitutionnels.

Outre la formation du gouvernement, l’autre priorité de la chef de l’État par intérim est de nommer une nouvelle autorité électorale en vue de convoquer de nouvelles élections.

AP

Jeanine Añez brandit une Bible géante, entourée de ses nouveaux députés.

En prenant ses fonctions, Mme Añez avait fixé comme limite la date du 22 janvier. Avant la crise, c’est à cette date que le prochain chef de l’État devait être intronisé.

Autre piste à l’étude pour la nouvelle équipe à la tête du pays : la fermeture du Parlement pour contourner le parti d’Evo Morales, le Mouvement vers le socialisme (MAS), majoritaire, afin de gouverner par décrets présidentiels, selon une source proche du dossier.  

Une option diversement appréciée par les analystes, certains, comme l’avocat Carlos Borth, y voyant une décision « absolument inconstitutionnelle ».

Le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro, fidèle allié d’Evo Morales, a rejeté mercredi la « parodie » de proclamation de Jeanine Añez.  

Une vague de protestation contre la réélection contestée de M. Morales pour un quatrième mandat lors du scrutin du 20 octobre a fait en trois semaines sept morts et plus de 380 blessés.