(La Paz) Le président bolivien sortant Evo Morales a été réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle dont le dépouillement fait polémique, selon les résultats quasi complets communiqué par l’autorité électorale.

Jeudi vers 18 h, après dépouillement de 99,81 % des bulletins de vote, le Tribunal supérieur électoral (TSE) indiquait sur son site internet que le chef de l’État socialiste avait remporté 47,06 % des voix, contre 36,52 % pour son principal adversaire, le centriste Carlos Mesa. L’écart est donc supérieur à 10 points de pourcentage nécessaires pour s’imposer dès le premier tour, et irrattrapable pour Carlos Mesa.

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Plusieurs milliers de mineurs, indiens et travailleurs se sont réunis sur la place San Francisco de La Paz en soutien à Evo Morales.

« Nous avons gagné au premier tour », avait lancé devant la presse jeudi le président socialiste, au pouvoir depuis 2006 et en route pour un quatrième mandat 2020-2025.

Peu après, il s’était néanmoins dit pour la première fois ouvert à un second tour. « Si nous ne gagnons pas avec 10 points d’écart, nous respecterons » le résultat, « s’il faut aller au second tour, nous irons », avait-t-il déclaré.

L’Union européenne a à cet égard appelé jeudi à « mettre un terme au processus de dépouillement en cours », estimant que « la meilleure option serait la tenue d’un second tour pour rétablir la confiance et s’assurer du respect du choix démocratique du peuple bolivien ».

De leur côté, les États-Unis, le Brésil, l’Argentine et la Colombie,  ont demandé jeudi qu’un second tour ait lieu si l’Organisation des États américains ne confirme pas le résultat du premier tour.

« Mesa c’est le Guaidó des Andes », s’est défendu Juan Ramon Quintana, un des ministres d’Evo Morales, en référence au chef de l’opposition vénézuélienne, Juan Guaidó, reconnu comme président par intérim du Venezuela par une cinquantaine de pays, dont les États-Unis.

« Il est en train de miser sur l’option vénézuélienne d’un gouvernement parallèle. Avec son silence complice, il est en train de légitimer la violence », a-t-il ajouté en référence aux violents incidents qui opposent les deux camp à propos du dépouillement.  

Après de premiers chiffres partiels, dimanche soir, laissant entrevoir un second tour, de nouveaux résultats diffusés lundi avaient pratiquement donné la victoire au chef de l’État sortant, suscitant de la part de l’opposition et des observateurs internationaux des soupçons de fraude.

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Une partie des Boliviens n’a pas digéré la décision d'Evo Morales de briguer un quatrième mandat.

Pendant ce temps, la tension allait crescendo en Bolivie.

Deux blessés

De nouveau incidents entre les partisans des deux camps ont éclaté jeudi à Santa Cruz, capitale économique de la Bolivie et bastion de l’opposition, dans l’est, d’où est partie la grève générale, et ses environs.  

« La Bolivie a dit non ! », criaient les manifestants, enveloppés dans des drapeaux aux couleurs de la Bolivie.  A La Guardia, un village rural à l’extérieur de Santa Cruz, au moins deux jeunes proches du parti au pouvoir, le MAS, ont été blessés, a constaté l’AFP.

« Nous allons poursuivre la mobilisation […] la jeunesse de Santa Cruz est prête à mettre sa vie entre parenthèses si on ne respecte pas la démocratie », s’est exclamé jeudi à La Paz Luis Fernando Camacho,  le président de l’influent Comité Pro-Santa Cruz, une organisation conservatrice rassemblant commerçants, entrepreneurs et simples citoyens, à l’origine de la grève.

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Carlos Mesa lors d'une manifestation à La Paz, mardi.

Aux côtés d’autres représentants d’organisations et de partis politiques du centre et de droite, il est allé soutenir le candidat Carlos Mesa. Constitué en collectif, ils ont exigé la tenue d’un second tour et appelé à la mobilisation « pacifique ».  

Ceux des Boliviens, qui dénoncent une « autocratie », n’ont pas digéré la décision de M. Morales, au pouvoir depuis 2006, de briguer un quatrième mandat, alors que les électeurs s’étaient prononcés contre à l’occasion d’un référendum en 2016.

Le chef de l’État, premier indigène à la tête de la Bolivie, a qualifié la grève générale de « coup d’État » ourdi par la droite et a appelé ses partisans à la mobilisation.

A La Paz jeudi après-midi, un cortège de plusieurs milliers de manifestants descendait de la banlieue d’El Alto vers le siège du gouvernement.  

La mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) en Bolivie a pour sa part estimé mercredi que la « meilleure solution » serait de déclarer un ballottage entre les deux candidats.  L’Église catholique a abondé en ce sens.