(Rio de Janeiro) Forêts calcinées, inaction du gouvernement puis insultes présidentielles, les incendies en Amazonie ont un effet désastreux pour l’image du Brésil à l’étranger, s’alarment de nombreux commentateurs.

PHOTO MARCOS CORREA, AFP

Jair Bolsonaro

« C’est la pire crise de son image que le Brésil traverse en 50 ans », a déclaré l’ancien ministre et ambassadeur Rubens Ricupero au quotidien O Globo.  

La crise amazonienne est « le plus grand désastre de l’Histoire de la diplomatie brésilienne depuis des décennies », se désolait également le quotidien Folha de S. Paulo, « nous nous retrouvons seuls et couverts de honte ».

Si des bataillons d’internautes bolsonaristes soutiennent activement Jair Bolsonaro, une partie de la twittosphère se déchaîne contre le chef d’État d’extrême droite, jugé aussi très sévèrement par la presse brésilienne et internationale pour sa gestion des incendies depuis une semaine.  

« À force de gaffes, d’idiotie, de chauvinisme, d’ignorance, et avec des coups de pied, Bolsonaro façonne son image dans le monde et détruit celle du Brésil », écrit ainsi un internaute.

Les incendies ont pris une dimension internationale avec la décision du président français Emmanuel Macron de les faire figurer au menu du Sommet du G7 à Biarritz, le week-end dernier, en tweetant : « Notre maison brûle ».

Le soir même, sous la pression, Jair Bolsonaro convoquait une réunion de crise puis mobilisait par décret l’armée contre les incendies.

Mais le président a ensuite brusquement élevé le ton à l’égard de Paris, sortant sérieusement des limites convenues de la diplomatie.

« Un paria international »

Alors que M. Macron souhaitait aux Brésiliens d’avoir « très rapidement » un « président qui se comporte à la hauteur », leurs ministres multipliaient les saillies méprisantes et provocantes contre la France. Mardi, M. Bolsonaro demandait à M. Macron de « retirer ses insultes », en vain.

« Je n’ai jamais vu un président du Brésil s’exprimer d’une telle manière », dit Gaspard Estrada, spécialiste de l’Amérique latine à Sciences Po, « cela va laisser des traces ».  

Si c’est avec la France qu’on a vu un grave dérapage, Brasilia s’est fâché avec beaucoup de monde autour de la crise amazonienne.

Pour Robert Muggah, de l’Institut Igarapé à Rio de Janeiro, « le président (brésilien) a endommagé les relations du pays avec ses alliés, comme la France, l’Allemagne et la Norvège ».

Berlin puis Oslo ont suspendu leurs subventions à des fonds de préservation de l’Amazonie. Jair Bolsonaro a même conseillé à la Norvège d’envoyer ses subventions à la chancelière Angela Merkel pour qu’« elle reboise l’Allemagne ».  

Comme la France, l’Irlande a menacé de ne pas signer l’accord de libre-échange UE-Mercosur. La Finlande envisage de boycotter des produits brésiliens.

« Le Brésil, qui était un modèle dans le monde de la préservation des forêts, est devenu un paria international. Le président ne peut que s’en prendre à lui-même », dit M. Muggah.  

Jair Bolsonaro assure pourtant avoir « restauré la crédibilité du Brésil ».

Le pays, qui avait accueilli en 1992 le Sommet de la Terre à Rio, a fait des efforts loués par la communauté internationale dans la lutte contre la déforestation dans les années 2000.

« Tout le monde à dos »

Pour M. Estrada, « le Brésil est en train aujourd’hui de détruire sa politique étrangère », et « il est largement isolé ».

Jair Bolsonaro, outre sa proximité avec Israël, a mis tous ses œufs dans le panier américain, un virage à 360 degrés pour la diplomatie brésilienne qui ne lui a pas rapporté de contreparties.

Si le président Donald Trump lui a exprimé mardi via un tweet son « soutien sans réserve » contre les incendies, « les États-Unis n’ont pas soutenu le Brésil à la hauteur des espérances de Bolsonaro au G7 », explique M. Estrada, qui évoque « la naïveté » du président brésilien.

« Bolsonaro s’est mis tout le monde à dos » et « l’effet sur le plan de l’image et la réputation internationale du Brésil sera durable », prévoit-il. « Il a oublié qu’il ne siège pas à la Maison-Blanche, mais au palais du Planalto » de Brasilia.

La crise de l’Amazonie survient dans un climat diplomatique déjà dégradé depuis l’arrivée au pouvoir en janvier de M. Bolsonaro : l’ex-militaire a heurté de grands partenaires du Brésil en donnant des coups de barre intempestifs.

Ce fut le cas avec la Chine « communiste », le premier partenaire commercial vis-à-vis duquel il a dû rapidement adoucir le ton. Puis du monde arabe, dont les menaces de boycottage des importations de viande brésilienne ont refroidi les ardeurs de Jair Bolsonaro qui voulait transférer à Jérusalem l’ambassade du Brésil en Israël.

En Amérique latine, il a déjà lancé une guerre ouverte contre le probable prochain président argentin, le « gauchiste » Alberto Fernandez, en s’ingérant dans les primaires du pays voisin de manière inédite.

« Avec un mandat d’encore plus de trois ans, à moins d’un miracle, je ne vois pas comment l’image du Brésil pourrait se rétablir sur la scène internationale », a commenté Rubens Ricupero.