(Sao Paulo) À l’issue d’une nouvelle journée fertile en rebondissements pour Lula, la Cour suprême du Brésil a finalement suspendu le transfert de l’ex-président brésilien vers un centre pénitentiaire.

Dans la matinée, l’ordre de transfert donné par une juge d’application des peines avait fait l’effet d’une bombe.  

Elle avait décrété que Luiz Inacio Lula da Silva devait quitter sa cellule spéciale d’un commissariat de Curitiba, où il jouit de certaines prérogatives, pour purger le reste de sa peine de huit ans et dix mois de réclusion dans une prison de l’État de Sao Paulo.

Ce centre pénitentiaire situé à Tremembé, à 150 km de Sao Paulo, accueille des détenus condamnés pour des crimes qui avaient marqué l’opinion publique dans l’ensemble du pays.

Lula, 73 ans, aurait pu y côtoyer par exemple Alexandre Nardoni, condamné à 30 ans de prison pour le meurtre de sa petite fille de cinq ans, une affaire qui avait choqué tout le Brésil.

Mais la Cour suprême en a décidé autrement. Par une majorité écrasante de 10 voix contre 1, les magistrats de la plus haute juridiction du pays ont décidé que Lula devrait rester à Curitiba jusqu’au jugement d’une demande de liberté déposée par ses avocats.

Accusé d’avoir reçu un appartement en bord de mer de la part d’un groupe de travaux publics en échange de faveurs dans l’attribution de marchés publics, l’ex-président n’a cessé de clamer son innocence, se disant victime d’un complot pour l’empêcher de revenir au pouvoir.

En juin, le site d’investigation The Intercept Brasil a publié des échanges de messages qui mettent en doute l’impartialité des procureurs chargés du dossier Lula et du juge qui l’a condamné en première instance.

AP

Sergio Moro

Le juge en question, Sergio Moro, figure de proue de la lutte anticorruption au Brésil, est actuellement ministre de la Justice du président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Ce dernier a remporté l’élection d’octobre dernier, pour laquelle Lula était donné favori avant d’être déclaré inéligible trois mois avant le scrutin.

La Cour suprême devrait se pencher prochainement sur une demande de libération de Lula basée justement sur la partialité présumée de Sergio Moro.

«Persécution»

Grâce à la décision de mercredi, l’ex-président pourra donc attendre ce jugement dans sa cellule individuelle à Curitiba.

«Actuellement, il n’est pas vraiment dans une prison. C’est forcément pire de se retrouver dans un centre pénitentiaire», explique Michael Mohallem, professeur de droit constitutionnel à la Fondation Getulio Vargas.  

À Curitiba, il bénéficie «de plus de confort, de sécurité et d’une plus grande facilité à recevoir des visiteurs», ajoute-t-il.

Le Parti des Travailleurs (PT), formation de gauche fondée par Lula en 1980, avait affirmé dans un communiqué que l’ex-président était «une nouvelle fois victime de persécution».

AFP

Lula

Même des adversaires politiques de longue date de l’icône de la gauche avaient critiqué la décision de le transférer vers une prison.  

Le président de la Chambre des Députés Rodrigo Maia, du parti de droite DEM, avait fait part de sa préoccupation, demandant à ce qu’il «bénéficie des mêmes conditions de détention» qu’à Curitiba.

La demande de transfert a été faite par la Police fédérale, à qui maintenir le prisonnier le plus célèbre du pays dans son quartier général pose de nombreux problèmes de logistique.

Des dizaines de manifestants campent devant ces installations depuis l’arrivée de Lula, qui reçoit aussi fréquemment la visite de personnalités brésiliennes ou étrangères.

La juge d’application des peines Carolina Lebbos avait affirmé dans sa décision, à laquelle l’AFP a eu accès, que le transfert avait pour but de «réduire les coûts humains et financiers, tout en offrant (à Lula) de meilleures conditions de socialisation».

Pour le moment, Lula a donc obtenu une victoire judiciaire après de nombreux revers successifs. Mais cette telenovela qui tient en haleine le Brésil devrait connaitre de nombreux autres rebondissements, l’ex-président étant mis en cause dans d’autres affaires de corruption.