(Caracas) Le régime du président vénézuélien Nicolas Maduro a accéléré mercredi la répression contre les auteurs de la tentative de soulèvement du 30 avril, avec l’arrestation du bras droit de l’opposant Juan Guaidó et l’inculpation de nouveaux députés.

La Cour suprême, que l’opposition accuse d’être à la solde de M. Maduro, a inculpé mercredi de haute trahison, conspiration et rébellion civile trois nouveaux députés d’opposition, portant à dix le nombre d’élus poursuivis pour leur soutien à la tentative d’insurrection menée par M. Guaidó.

L’un de ces dix députés, Edgar Zambrano, bras droit de M. Guaidó et vice-président de l’Assemblée nationale, a été arrêté par le Sebin, le service de renseignement du régime.

« Nous alertons le peuple du Venezuela et la communauté internationale : le régime a enlevé le premier vice-président » de l’Assemblée nationale, a tweeté M. Guaidó. « Ils tentent de mettre en pièces le pouvoir qui représente tous les Vénézuéliens, mais ils ne vont pas y arriver ».

Peu avant son arrestation, M. Zambrano a lui-même raconté sur Twitter que des agents du Sebin  venaient de cerner son véhicule devant le siège de son parti, Action démocratique.

« Comme nous avons refusé de sortir de notre véhicule, ils ont utilisé une grue pour nous emmener de force directement à l’Helicoïde », le bâtiment du siège des services secrets, a-t-il tweeté.

Les États-Unis ont condamné « l’arrestation arbitraire » de M. Zambrano. « S’il n’est pas libéré immédiatement, il y aura des conséquences », a menacé le compte Twitter de l’ambassade américaine à Caracas, actuellement fermée.

L’Argentine, la Colombie, le Chili et le Pérou ont également exigé la libération de l’opposant.

Une députée inculpée, Mariela Magallanes, s’est réfugiée dans la résidence de l’ambassadeur d’Italie à Caracas, tandis que les autres élus poursuivis évitaient de se montrer en public.

Une autre figure de l’opposition, Leopoldo Lopez, s’est réfugié dans l’ambassade d’Espagne le 30 avril, après l’échec de la tentative de soulèvement.

Les troubles qui avaient suivi cet appel à l’insurrection avaient fait six morts, des centaines de blessés et entraîné quelque 200 arrestations, selon le procureur général du Venezuela Tarek William Saab. La tentative avait échoué, la majorité des militaires étant restés fidèles à M. Maduro.

« Ils devront payer devant la justice pour le coup d’État », a affirmé le numéro deux du régime et président de l’Assemblée constituante, Diosdado Cabello, pour célébrer l’arrestation de M. Zambrano.

La Constituante est l’une des deux assemblées au Venezuela. Créée en 2017, elle remplace, dans les faits, l’Assemblée nationale, dominée par l’opposition mais dont les décisions ne sont plus prises en compte par l’exécutif. La Constituante dispose de pouvoirs étendus, dont celui de lever l’immunité parlementaire des députés, ce qu’elle a fait pour les élus poursuivis par la Cour suprême.

Incident à la frontière

« La peur ne nous arrêtera pas », a déclaré à l’AFPTV Juan Guaidó au cours d’un déplacement dans la localité de La Guaira, à 30 km au nord de Caracas. « C’est la seule stratégie qu’il reste au régime […], faire régner la peur ».

La crise au Venezuela continue d’envenimer les relations entre Caracas et ses voisins. La Colombie a condamné mercredi l’incursion présumée d’une trentaine de soldats vénézuéliens sur son territoire, M. Maduro accusant pour sa part Bogota de s’être lancée dans une « escalade militaire ».

Selon le ministère colombien des Affaires étrangères, les militaires vénézuéliens ont pénétré sur environ 200 mètres en territoire colombien à San Faustino, dans le département du Norte de Santander, et y sont restés une vingtaine de minutes.  

Ils ont rebroussé chemin à l’arrivée d’un hélicoptère colombien envoyé pour « répondre aux appels de la communauté dénonçant ces actes d’intimidation », selon un communiqué du ministère.

La Colombie fait partie de la cinquantaine de pays à avoir reconnu Juan Guaidó président par intérim du Venezuela, ce qui a entraîné la rupture des relations diplomatiques entre Caracas et Bogota le 23 février.

Les deux pays ont une frontière commune de 2200 km le long de laquelle pullulent les gangs criminels et la guérilla de l’ELN (Armée de libération nationale).

« Il y a une escalade de déclarations qui pourrait se terminer à la frontière par une escalade militaire des forces criminelles de Colombie contre le Venezuela », a réagi Nicolas Maduro.

« Tout cela fait partie du plan misérable d’Ivan Duque (le président colombien, NDLR) qui, entraîné par le gouvernement de Donald Trump, met la Colombie à son service pour une agression contre ses frères du Venezuela », a-t-il ajouté.

Les forces armées « sont prêtes à défendre le territoire sacré du Venezuela en toute circonstance, n’importe quand », a-t-il averti, en décrétant « l’alerte maximale » à la frontière.