Les partisans du président Nicolas Maduro et de l'opposant Juan Guaidó manifestaient samedi dans les rues au Venezuela pour protester contre les coupures électriques massives qui affectent le pays depuis début mars, et dont les deux dirigeants rivaux se rejettent la responsabilité.

Dans un bref moment de tension, les forces de l'ordre ont dispersé à coup de gaz lacrymogènes des partisans de l'opposition qui cherchaient à se rassembler dans plusieurs points de l'ouest de la capitale, un bastion du gouvernement, ont constaté des journalistes de l'AFP

Le chef du Parlement, Juan Guaidó, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays, avait appelé ses partisans à « transformer l'indignation en mobilisation ». Dans l'après-midi, il a participé à plusieurs rassemblements dans l'État de Miranda, au sud-ouest de Caracas.  

« Ne laissons pas le régime se moquer de nous en nous soumettant aux ténèbres, à l'anormalité. Avec force, avec courage, je vous demande [...] de vous préparer pour la cessation définitive de l'usurpation » du pouvoir par Nicolas Maduro, a-t-il lancé devant des centaines de sympathisants.

La capitale Caracas et 20 États sur 23 se sont retrouvés à nouveau plongés dans le noir vendredi soir et de nombreuses régions restaient sans courant samedi.  

« Cela fait plus de douze jours sans électricité au mois de mars à Caracas, sans parler du reste du pays », s'indigne Andrea, une opposante, dans l'ouest de Caracas. « Je refuse de quitter le Venezuela parce que je suis sûre qu'il faut encore lutter », ajoute-t-elle.  

Cette coupure, commes celles qui ont paralysé le pays du 7 au 14 mars, puis du 25 au 28 mars, prive de nouveau les habitants d'approvisionnement en eau, de transports publics, de téléphone, d'internet.  

« La lumière s'en va à tout moment. Ici le service de distribution d'eau ne marche pas bien depuis un an, mais avec ces coupures, cela s'est considérablement aggravé », témoigne une habitante de la capitale qui a retrouvé des voisins dans son quartier pour protester dans un concert de casseroles.  

Dans le reste du pays, la population exprimait aussi son désarroi. « Cela fait déjà 15 heures sans lumière [...] les files d'attente pour obtenir de l'essence sont immenses et les rares supermarchés ouverts sont pris d'assaut », a expliqué à l'AFP Mariana Pirela, une habitante de Maracaibo, une grande ville du nord-ouest.  

« Appel à la paix »

Le président Nicolas Maduro, qui accuse l'opposition d'orchestrer des « attaques » contre la principale centrale électrique du pays avec le soutien des États-Unis, a de son côté appelé à une « grande mobilisation » pour « dire non au terrorisme impérial ».  

« Ils appellent à la haine, nous nous appelons à l'amour, ils incitent à la guerre, nous nous lançons des appels quotidiens à la paix », a déclaré à l'AFP Jesus Camargo, au milieu de partisans du gouvernement, rassemblés dans la capitale.

Les pannes de courant sont habituelles au Venezuela depuis une décennie, mais la capitale avait été jusque-là relativement épargnée par des coupures massives. L'opposition et des experts du secteur estiment qu'elles sont dues au manque d'investissements dans les infrastructures.  

Outre les coupures d'électricité, le Venezuela souffre de graves pénuries de toutes sortes. Vendredi, la Croix-Rouge internationale a annoncé une distribution d'aide d'urgence dans « 15 jours » à destination de 650 000 personnes.  

Un virage dans la position du président vénézuélien, qui avait jusque-là nié toute « crise humanitaire » dans le pays pétrolier et rejette la responsabilité des pénuries sur les sanctions financières imposées par Washington.

Selon l'ONU, près d'un quart des 30 millions de Vénézuéliens nécessite une aide « urgente ».

Le 23 février, les adversaires de Nicolas Maduro avaient essayé de faire entrer au Venezuela de l'aide humanitaire, envoyée essentiellement des États-Unis à la demande de Juan Guaidó.  

Mais les camions chargés de ces produits de première nécessité ont finalement dû rebrousser chemin face au blocage frontalier ordonné par le gouvernement qui y voyait un prélude à une intervention militaire.  Des heurts à la frontière avaient fait sept morts et plusieurs centaines de blessés.

« Le régime reconnaît son échec en acceptant l'existence d'une situation d'urgence humanitaire complexe qu'il a provoquée », a réagi Juan Guaidó.  

Les États-Unis ont immédiatement « salué » l'annonce de la Croix-Rouge et se sont dit prêts à envoyer de l'assistance par le biais de l'organisation internationale.  

Parallèlement, un avion en provenance de Chine chargé de médicaments et de matériel médical est arrivé vendredi à Caracas.  

La Chine fait partie des alliés du pouvoir chaviste, avec la Russie qui a envoyé une mission militaire à Caracas, une « provocation » pour Washington à qui Moscou a une nouvelle fois « recommandé » samedi de cesser de « menacer » le Venezuela.

PHOTO FEDERICO PARRA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le chef du Parlement, Juan Guaidó, avait appelé ses partisans à manifester pour protester contre les pannes électriques géantes qui paralysent le pays, le 30 mars à Carrizal.