Plusieurs personnalités se sont indignées mardi en Espagne après la demande d'excuses formulée par le président mexicain Andrès Manuel Lopez Obrador au roi d'Espagne et à l'Église catholique pour les abus contre les peuples indigènes du Mexique commis durant la Conquête espagnole.

«J'ai envoyé une lettre au roi d'Espagne et une autre au pape (François) pour que le récit des abus soit fait et que des excuses soit présentées aux peuples indigènes (du Mexique) pour les violations de ce qu'on nomme aujourd'hui leurs droits humains», avait indiqué lundi M. Lopez Obrador dans un message sur Facebook.

«Le chef de l'État, le roi Felipe VI, ne doit demander pardon à aucun pays et cela n'arrivera pas», a répondu mardi la vice-présidente du gouvernement socialiste espagnole, Carmen Calvo.

Le gouvernement espagnol avait auparavant fait valoir sèchement, dans un communiqué publié lundi, que «l'arrivée, il y a 500 ans, des Espagnols sur le territoire mexicain actuel ne peut pas être jugée à l'aune de considérations contemporaines».

«Qu'il s'excuse, lui qui porte des noms espagnols et vit là-bas. Si cet individu croit vraiment ce qu'il dit, c'est un imbécile. S'il ne le croit pas, il est sans scrupules», a lancé pour sa part l'écrivain espagnol Arturo Perez-Reverte à l'attention du président de gauche mexicain.

Dans sa vidéo filmée sur le site archéologique maya de Comalcalco, dans le sud-est du Mexique, Lopez Obrador, petit-fils d'un Espagnol, demande au roi d'Espagne et au pape de reconnaître les «massacres» perpétrés durant la Conquête, qui avait débuté après l'arrivée du premier conquistador Hernan Cortes au XVIe siècle.

«La "Conquête", comme on la nomme s'est faite avec l'épée et la croix», a-t-il rappelé. «Le temps de se réconcilier est venu. Mais d'abord qu'ils demandent pardon», avait-il ajouté.

«Intolérable»

Dans une Espagne en campagne électorale, cette demande a suscité des réactions offusquées, en particulier à droite.

«C'est un véritable affront fait à l'Espagne et à son histoire», a dit le président du Parti Populaire (PP, conservateur), Pablo Casado.

Le dirigeant du parti libéral Ciudadanos, Albert Rivera, a aussi estimé que la lettre de Lopez Obrador était «une offense intolérable au peuple espagnol».

Ione Belarra, du parti de gauche radicale Podemos, a en revanche salué la demande de Lopez Obrador, en disant qu'il avait «parfaitement raison d'exiger que le roi demande pardon».

Trois siècles de colonisation

Le Mexique va commémorer en 2021 le bicentenaire de son indépendance et les 500 ans de la chute de Tenochtitlan, ancien nom de Mexico sous domination aztèque.  

Le président que l'on surnomme AMLO, suivant ses initiales, a dit y voir l'occasion d'une «réconciliation historique».  

Il s'est également rendu lundi dans la ville proche de Centla, théâtre de la première bataille entre Hernan Cortes et les peuples indigènes le 14 mars 1519.

«Des milliers de personnes ont été assassinées durant cette période. Une culture, une civilisation s'est imposée à une autre», a-t-il dénoncé dans un discours.  

Lopez Obrador a annoncé que lui-même demanderait pardon pour «l'extermination» des peuples autochtones commise au Mexique après l'indépendance-contre les Yaquis dans le nord du pays, ou contre les Mayas au sud-ainsi que pour les persécutions envers les immigrés chinois durant la Révolution mexicaine.

La Conquête espagnole du Mexique a débuté en 1519 avec une armée de moins de 1000 hommes dirigée par Hernan Cortes. Ce fin stratège, parvenu à renverser l'Empire aztèque, a ouvert la voie à une période de colonisation de 300 ans.

Fin janvier, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a effectué une visite officielle au Mexique au cours de laquelle les pays ont réaffirmé leurs liens d'amitié et de coopération.  

Le peuple mexicain est le produit d'un métissage culturel entre le Nouveau et l'Ancien Monde.

Selon une étude scientifique publiée par un organisme scientifique gouvernemental mexicain, 98% de la population mexicaine descend d'un mélange de populations autochtones, européennes (principalement espagnoles) et africaines.  

M. Lopez Obrador s'est présenté comme un candidat anti-système, champion de la cause indigène. Des polémiques éclatent régulièrement sur l'influence coloniale dans le Mexique d'aujourd'hui.  

AFP

Andres Manuel Lopez Obrador