Au troisième jour de la gigantesque panne qui paralyse le Venezuela, l'opposant Juan Guaidó a demandé dimanche au parlement de décréter «l'état d'urgence» pour permettre l'entrée de l'aide humanitaire dans le pays.

Il a également enjoint la population à descendre dans les rues «parce que ce régime laisse mourir les Vénézuéliens» et appelé les forces armées à cesser «de couvrir le dictateur», le président Nicolas Maduro.

Alors que la panne franchissait un cap symbolique de 72 heures, le gouvernement a imposé une nouvelle journée chômée lundi aux fonctionnaires et aux écoliers.

«Sur ordre du président Nicolás Maduro les activités scolaires et le travail resteront suspendues demain lundi 11 mars», a annoncé le ministre de la Communication Jorge Rodriguez qui a également appelé «au calme», lors d'une allocution à la télévision publique

Depuis jeudi 16h50, les Vénézuéliens sont privés de lumière, d'eau et de moyens de transports et de communications, et éprouvent de plus en plus de difficultés à se ravitailler.

«Je vais demander lundi à l'Assemblée nationale de décréter l'état d'urgence pour permettre l'entrée de l'aide humanitaire» dans le pays, ce qui permettra aussi de «solliciter l'aide internationale», a annoncé dimanche Juan Guaidó, président de l'Assemblée nationale, autoproclamé «président par intérim» du pays et reconnu par une cinquantaine de pays.

«Cette catastrophe, nous devons nous en occuper maintenant», a-t-il martelé.

Aide bloquée

Au moins 250 tonnes d'aide humanitaire, vivres et médicaments, principalement envoyées par les États-Unis, sont stationnées aux frontières du pays avec la Colombie et le Brésil.

Le gouvernement s'est opposé le 23 février à leur entrée dans le pays en suspectant une tentative d'intervention armée déguisée des États-Unis.

La panne a déjà tué au moins 15 malades dans les hôpitaux-dont très peu sont équipés de générateurs en état de marche-mais en l'absence de bilan officiel et de moyens de communications, il est impossible de savoir ce qui se passe exactement à travers le pays.

M. Guaidó a assuré que 17 personnes étaient mortes jusqu'à présent dans les hôpitaux-sans préciser la source de ce bilan ni s'il intégrait les 15 morts déjà annoncés, qui souffraient d'affection rénale.

Des bilans démenti dimanche après-midi par le ministre de la Santé Carlos Alvarado, resté silencieux depuis le début de la crise. «C'est faux», a-t-il dit à la télévision-que bien peu de Vénézuéliens sont en état de recevoir.  

«C'était horrible, tout était noir. Il n'y avait que quelques services ouverts grâce à un générateur que quelqu'un a apporté parce que ceux de l'hôpital ne marchaient pas», a rapporté à l'AFP Sol Dos Santos, jeune mère de 22 ans dont la fillette est hospitalisée à Caracas.

Dimanche matin, la compagnie publique d'électricité Copelec a affirmé que la capitale était désormais desservie à 40%. Ce qui laisse 60% dans le noir.

La ville est calme cependant, malgré plusieurs pillages de supermarchés constatés à Caracas.

La centrale hydroélectrique de Gurri, dans l'État de Bolivar, responsable de la panne, dessert environ les trois-quarts du pays. M. Maduro  a dénoncé une nouvelle «attaque cybernétique» dans la «guerre électrique» menée selon lui par les États-Unis.

Le gouvernement a affirmé qu'il fournirait à l'ONU «des preuves» de ces accusations.

Un scénario «hollywoodien» a jugé M. Guaidó. Pour lui, et nombre d'observateurs, le manque de maintenance et d'investissements dans le réseau nationalisé en 2007  sont la cause de cette panne qui affecte tout le pays.

La coupure est inédite par son ampleur et sa durée dans ce pays de 30 millions d'habitants, qui dispose des premières réserves mondiales de pétrole.

Que des dollars

Dans la capitale, les rares commerces ouverts n'acceptent que les dollars en espèces. Du fait de l'inflation, les billets locaux en circulation sont trop rares pour payer un litre de lait dix mille bolivars. Pour s'ajuster à cette hyperinflation, les paiements électroniques se sont généralisés. Et ceux-ci sont bien sûr suspendus.

Sur les étals du marché de Chacao, faute de chambres froides ou même de glace, les marchandises se perdent dans la touffeur tropicale. Devant les stations services, les files de voitures s'allongent.

Des centaines de passagers sont bloqués à l'aéroport international de Maiquetia, leurs vols annulés.  

Chaque jour, Rossy Fernandez, 72 ans, essaie de partir pour rendre visite à son frère à Miami. «Personne ne peut rien acheter à l'aéroport parce que personne n'a d'argent sur lui. Il n'y a que les dollars qui circulent». Mais rien ne la chassera du pays, jure-t-elle.

Selon l'ONU, 2,7 millions de Vénézuéliens ont émigré depuis 2015.

L'obscurité à la nuit tombée ajoute à l'angoisse dans cette métropole de 5 millions d'habitants, considérée comme l'une des plus dangereuses du monde.

«C'est l'agonie.. On s'impose un couvre-feu à partir de 17h. On sort tôt pour acheter ce qu'on peut et on rentre vite», confie Yadira Delgado, 49 ans, qui vit avec sa mère de 72 ans et sa fille adolescente.

Cette nouvelle crise fournit aussi un nouveau terrain de lutte entre les deux présidents qui se disputent le pouvoir.

MM. Guaidó et Maduro, ont organisé samedi des rassemblements rivaux à Caracas.  

M. Guaidó, qui a appelé à une marche nationale sur la capitale pour pousser vers la sortie M. Maduro, a répété qu'il était prêt à autoriser une intervention militaire étrangère.