Tout sourire, il fait un égoportrait devant la foule de ses partisans qui agitent des drapeaux vénézuéliens. En peu de temps, l'opposant Juan Guaidó est devenu une véritable célébrité et défie le président Nicolas Maduro avec les armes médiatiques de sa génération.

« Je vais prendre un égoportrait pour qu'ils voient vos visages, et pardon pour le protocole [...] mais je veux qu'ils voient ce visage d'espérance et de joie », a lancé mardi Juan Guaidó, 35 ans, lors de la manifestation de ses partisans à Caracas, déclenchant une ovation.

Avec trois millions d'abonnés sur Instagram et 1,2 million sur Twitter (un chiffre multiplié par quatre en moins d'un mois), son égoportrait a reçu plus d'un demi-million de « Like » et a été retweeté 24 000 fois en moins d'une journée.  

« Juan Guaidó appartient à la génération des milléniaux», rappelle Andrés Cañizalez, expert en communication politique, en référence à cette génération de 20 à 35 ans passée à l'âge adulte avec le nouveau millénaire. « Il s'est approprié les réseaux sociaux, il est capable d'être authentique, empathique, d'improviser, de se montrer tel qu'il est », ajoute l'analyste.

Lors de ses réunions, il a tout d'une vedette rock : ses partisans le poursuivent pour faire un égoportrait, l'embrasser, le saluer ou au moins le toucher.  Eugenio Martinez, spécialiste en marketing politique, souligne la « connexion » qui s'est rapidement établie entre l'ex-ingénieur et ses partisans.  

Même son chien a un compte sur Instagram et Twitter, suivis par un millier de personnes. « Je suis le grand chien libertaire ! Wouaff ! », est-il écrit en guise de présentation.  

Costume et moto

Nicolas Maduro, qui a qualifié Guaidó de « gamin jouant à la politique », est également actif sur les réseaux sociaux. Mais « il n'a plus l'initiative politique, il s'est retrouvé en position défensive », estime le politologue Luis Salamanca.

Critiqué par le pouvoir chaviste qui l'accuse d'être un « pantin » manipulé par Washington, l'opposant a également éclipsé Leopoldo Lopez, 46 ans, le chef de son parti Voluntad Popular, en résidence surveillée depuis août 2017.

Le plus souvent en costume, Juan Guaidó fait ses discours ou donne ses entretiens systématiquement à côté d'un drapeau vénézuélien que ses collaborateurs transportent partout.  

Il se rend aussi souvent aux manifestations en moto, comme il l'a encore fait mardi.

Lorsqu'il a pris la tête du Parlement, unique institution aux mains de l'opposition, le 5 janvier, il est monté à la tribune de l'hémicycle avec son épouse Fabiana Rosales et sa fille de 20 mois. Il avait tout de la posture présidentielle, suscitant même des critiques dans l'opposition.

Certains le comparent avec l'ex-président américain Barack Obama pour sa silhouette élancée, ses cheveux courts, son teint mat, et même son style vestimentaire.  

Ni précieux, ni ronflant

José Rafael Briceño, qui travaille avec les candidates au concours Miss Venezuela pour leur enseigner à s'exprimer en public, estime que l'image véhiculée par Guaidó veut adresser un message clair et direct.  

Son style sobre reflète le « type d'État auquel il souhaite revenir », estime-t-il, soulignant que l'opposant est devenu populaire en étant l'« antipode » du charismatique dirigeant socialiste Hugo Chavez, mort en 2013.  

« Sa jeunesse, son origine modeste jouent en sa faveur [...] Cela se sent dans sa manière de communiquer. Même s'il a fait des études, il n'a pas perdu cette spontanéité populaire », souligne Andrés Cañizalez.

Des sources proches de son parti ont indiqué à l'AFP qu'il avait pris des cours pour améliorer son élocution, son image et sa gestuelle, alors qu'il n'était qu'un piètre orateur il y a encore quelques mois.

« Il a appris très vite. Mais il n'a pas une élocution grandiloquente, je crois que le pays s'est lassé de ce genre-là », estime Andrés Cañizalez.

Son discours se veut pratique, ni précieux, ni ronflant, abonde Luis Salamanca. « La clé de son image, c'est la surprise qu'il a représentée et le défi direct qu'il a lancé au pouvoir de Nicolas Maduro. C'est là que réside sa force », estime l'analyste.