Le président autoproclamé du Venezuela Juan Guaidó a dénoncé des tentatives d'intimidation visant ses proches, disant tenir pour responsable le chef de l'État Nicolas Maduro.  

« Ils ne vont pas m'intimider », a-t-il déclaré jeudi à la presse devant son domicile de Caracas, avec sa fille de 20 mois dans les bras et son épouse à ses côtés.  

Juan Guaidó venait d'affirmer que des hommes qui s'étaient identifiés comme appartenant aux forces spéciales de la police (FAES) étaient venus devant chez lui en demandant où étaient son épouse Fabiana Rosales et la famille.  

« L'objectif était évident [...] A ces fonctionnaires, je leur dis : ne franchissez pas la ligne rouge », a lancé le leader de l'opposition.

Le commandant de la police vénézuélienne Carlos Alfredo Pérez Ampueda a, quant à lui, rejeté les propos de M. Guaidó.

« C'est totalement faux [...] », a-t-il écrit sur Twitter.

Pour sa part, Juan Guaidó, au cours d'un discours destiné à présenter son plan économique pour sortir le pays de la crise, avait déjà dénoncé les pressions dont sa famille faisait l'objet.

« Ceux qui tentent de saboter la démocratie et de s'en prendre à Guaidó en subiront les conséquences », avait prévenu mercredi John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, dont le gouvernement a reconnu le leader de l'opposition comme président par intérim du Venezuela.

« Nous n'allons pas tolérer qu'on fasse du mal à ceux qui luttent pour la liberté », a averti jeudi le vice-président américain Mike Pence dénonçant sur Twitter un acte d'« intimidation ».  

Le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA) Luis Almagro a lui aussi fermement condamné ces faits.

30 milliards de dollars nécessaires

Fort du soutien du Parlement européen, Juan Guaidó a présenté jeudi son plan qui repose sur plusieurs axes : répondre à l'urgence humanitaire (santé, aliments), « freiner brusquement l'inflation », relancer l'industrie pétrolière et rétablir les services publics.  

Washington a indiqué tenir prêts des aliments et des médicaments destinés au Venezuela pour un montant de 20 millions de dollars, mais Nicolas Maduro, qui attribue les pénuries aux sanctions américaines, estime qu'accepter l'aider humanitaire reviendrait à ouvrir la porte à une intervention militaire.  

Le pays aux énormes ressources pétrolières, autrefois le plus riche d'Amérique latine, a sombré économiquement et ses habitants souffrent de graves pénuries de nourriture et de médicaments, ainsi que d'une inflation galopante (10 000 000 % en 2019 selon le FMI), ce qui a contribué à faire chuter la popularité du dirigeant socialiste.

L'économiste et député José Guerra, un des concepteurs du plan de Guaidó, a précisé qu'une nouvelle politique d'échange de devises serait mise en place ainsi qu'une renégociation de la dette externe, évaluée à 150 milliards de dollars.  

Un autre de ses conseillers économiques, José Toro Hardy, a estimé que le Venezuela aurait besoin dans un premier temps de quelque 30 milliards de dollars pour remonter la pente.

Washington agit aussi sur le plan financier en sanctionnant le groupe pétrolier PDVSA, source de 96 % des revenus du Venezuela : il a gelé ses avoirs à l'étranger et lui interdit tout commerce avec des entités américaines.

Groupe de contact de l'UE-

Dans une résolution proposée en commun par les principaux groupes politiques du Parlement, les eurodéputés ont reconnu M.  Guaidó « comme président par intérim légitime de la République bolivarienne du Venezuela » et ont appelé tous les pays de l'UE à faire de même.

La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a annoncé que l'UE allait constituer un groupe de contact international afin d'aider à l'organisation d'une nouvelle présidentielle au Venezuela. Ce dernier « se donne 90 jours pour parvenir à un résultat positif », a-t-elle précisé.

Par ailleurs, la décision de reconnaître Juan Guaidó comme président par intérim est une « prérogative des États » et plusieurs membres de l'UE vont le faire, a-t-elle aussi déclaré à l'AFP à l'issue d'une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Bucarest.

Six pays (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal) ont donné au président Maduro jusqu'à dimanche pour convoquer des élections, sinon ils reconnaîtront son adversaire. Mais jusqu'à présent il semble balayer ces menaces d'un revers de la main.

Concernant les deux journalistes français et trois journalistes de l'agence espagnole EFE - un reporter espagnol, une vidéaste colombienne et un photographe colombien - arrêtés, ils ont été relâchés jeudi, a-t-on appris de sources officielles.  

Pierre Caillé et Baptiste des Monstiers ont été expulsés dans l'après-midi et les reporters d'EFE ont finalement pu rester dans le pays pour travailler.

Depuis le début des mobilisations le 21 janvier, une quarantaine de personnes ont été tuées et plus de 850 arrêtées, selon l'ONU.

Encore inconnu du grand public il y a un mois, et devenu président du Parlement dominé par l'opposition, Juan Guaidó s'est autoproclamé président par intérim le 23 janvier en invoquant une vacance du pouvoir. L'opposition juge le second mandat du chef de l'État, entamé le 10 janvier, illégitime car issu d'élections frauduleuses.