(La Paz) Le ton monte entre La Paz, Mexico et Madrid, après un incident diplomatique impliquant ces trois pays: la Bolivie, qui accuse les deux autres d’avoir voulu exfiltrer l’ancien bras droit de l’ex-président Evo Morales, va expulser les représentants mexicains et espagnols.

Selon le gouvernement bolivien, «des personnes identifiées comme des fonctionnaires de l’ambassade d’Espagne en Bolivie, accompagnées d’hommes cagoulés» ont «tenté d’entrer subrepticement dans la représentation diplomatique mexicaine de La Paz» où ont trouvé asile plusieurs personnes recherchées par la justice, en essayant de forcer vendredi une barrière de sécurité de la police bolivienne.

L’incident, survenu vendredi, s’est produit durant une visite de la chargée d’affaires de l’Espagne Cristina Borreguero à l’ambassadrice mexicaine Maria Teresa Mercado.

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Maria Teresa Mercado et Michelle Obama à Mexico en avril 2010.

L’ambassade du Mexique à La Paz abrite une dizaine d’ex-fonctionnaires du gouvernement Morales qui ont démissionné le 10 novembre dans la foulée du président bolivien, lâché par l’armée après trois semaines de violentes manifestations.

Parmi eux figurent l’ex-ministre à la Présidence Juan Ramon Quintana et l’ex-ministre de la Culture Wilma Alanoca qui, comme leur président, sont recherchés dans le cadre d’une enquête pour «sédition» et «terrorisme».

«Nous pensons que le but était d’extraire le criminel Juan Ramon Quintana» de l’ambassade du Mexique, a déclaré samedi le ministre bolivien de l’Intérieur Arturo Murillo. «Cela a échoué».

«Le gouvernement constitutionnel que je préside a décidé de déclarer persona non grata l’ambassadrice du Mexique en Bolivie, Maria Teresa Mercado, la chargée d’affaires d’Espagne en Bolivie, Cristina Borreguero, le consul, Alvaro Fernandez», a déclaré lundi Jeanine Añez à la presse.  

Ils ont «72 heures» pour quitter le pays, a-t-elle ajouté.  

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La présidente par intérim de la Bolivie, Jeanine Añez.

En représailles, Madrid a annoncé lundi l’expulsion de trois diplomates boliviens.  

«L’Espagne rejette de manière catégorique toute insinuation sur une volonté présumée d’ingérence dans les affaires politiques intérieures boliviennes. Pour l’Espagne, toute affirmation en ce sens est une calomnie destinée à endommager nos relations bilatérales avec de fausses théories conspirationnistes», a indiqué le gouvernement espagnol dans un communiqué.

De son côté, le Mexique a dénoncé le caractère «politique» de cette décision, estimant que son ambassadrice avait agi dans le cadre du droit international.

«Le Mexique n’a pas l’intention de rompre les relations diplomatiques avec la Bolivie», a déclaré ensuite lors d’une conférence de presse la ministre mexicaine de l’Intérieur, Olga Sanchez Cordero.

Avant cette incident, Mexico avait exprimé à plusieurs reprises sa crainte que le gouvernement bolivien en exercice n’entre de force dans son ambassade pour y arrêter les personnes réfugiées.  

Relations tendues

Les relations entre les deux pays sont tendues depuis que le Mexique a accueilli un temps l’ancien président Evo Morales, avant qu’il ne s’installe finalement en Argentine.

La cheffe de la diplomatie bolivienne, Karen Longaric, a précisé lundi que ces expulsions «n’impliquaient aucunement une rupture des relations diplomatiques», mais le Mexique et l’Espagne devront nommer de nouveaux représentants.  

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La ministre bolivienne des Affaires étrangères, Karen Longaric.

Madrid, qui va envoyer des enquêteurs en Bolivie, a nié tout projet d’exfiltration.

«Le ministère souhaite préciser que la chargée d’affaires effectuait une visite de pure courtoisie et nie avec véhémence qu’il y ait eu un but quelconque de faciliter l’évacuation de personnes réfugiées dans le bâtiment», a indiqué samedi un communiqué du ministère espagnol des Affaires étrangères.

Selon des sources diplomatiques et du ministère de l’Intérieur citées par les médias espagnols, ces hommes armés et cagoulés étaient des agents du Groupe Spécial d’Opérations (GEO) chargés de la sécurité des diplomates espagnols à La Paz.

Les membres de l’escorte «ont déposée (la chargée d’affaires de l’Espagne) à la représentation diplomatique (mexicaine) et sont repartis. Une heure plus tard, quand ils sont allés la rechercher, ils se sont trouvés face à un attroupement qui a provoqué un incident», a écrit dimanche El Mundo.

«Plusieurs personnes en civil ont commencé à donner des coups de pied dans les voitures, ont empêché les occupants d’en sortir et leur ont même bloqué la route».