(Mexico) Au Mexique, cinq personnes sont enlevées par jour en moyenne. Si ces kidnappings peuvent faire les gros titres, comme celui récent d’un Français et d’un Mexicain, le plus souvent personne n’en dit mot. Dans tous les cas, l’objectif des ravisseurs est de soutirer une rançon.

Le phénomène qui perdure depuis des décennies dans le pays est une véritable plaie qui ne cicatrise pas. Au contraire. Il est même en forte augmentation cette année, la première du gouvernement de gauche populiste dirigé par Andrés Manuel Lopez Obrador (dit AMLO).

Après le record historique de 2013, le nombre de kidnappings avait graduellement diminué. Mais, selon des données compilées par des ONG locales, cette tendance est en train de s’inverser avec 1142 cas enregistrés entre janvier et octobre, soit une hausse de 5,3% par rapport à la même période de 2018.

«Si elle se maintient, il s’agira de la cinquième année la plus mauvaise de notre Histoire» en terme d’enlèvements, met en garde Francisco Rivas, directeur de l’Observatoire civique national, une ONG qui suit les évolutions de la violence au Mexique.

L’enlèvement dimanche du Français Frédéric Michel et de l’acteur mexicain Alejandro Sandi par des hommes armés alors qu’ils parcouraient un parc national de l’État de Mexico, n’a fait que mettre en relief le peu de contrôle de l’État dans de vastes zones.

C’est là que des bandits tout puissants opèrent en toute impunité. Mieux vaut éviter de croiser leur chemin, qu’on soit riche ou pauvre. Quant au kidnapping d’un étranger, touriste ou résidant, il reste anecdotique.

De fait, ce sont les migrants qui traversent le Mexique du sud au nord dans l’espoir de gagner les États-Unis, qui constituent les proies les plus alléchantes, souligne Santiago Roel, directeur d’une autre ONG, Semaforo Delictivo.

«La plupart des enlèvements ont pour théâtre les États côtiers liés à des gangs de traite d’êtres humains», explique-t-il.

Source d’un profond embarras pour les autorités, elles se refusent à confirmer les chiffres des ONG.

Oreille coupée

«Les données statistiques officielles doivent être multipliées par quatre ou cinq. Ce délit figure parmi les moins recensés», souligne Santiago Roel.

AFP

Andrés Manuel Lopez Obrador

Si, selon Rivas, les causes de l’augmentation des kidnappings sont multiples, certaines sont une conséquence directe de mesures prises par Lopez Obrador, comme la réduction en 2019 de 33% du budget de la Coordination nationale anti-enlèvement.

La stratégie mise en place par AMLO contre une autre plaie locale, le vol de carburant, a incité des gangs à se rabattre sur les enlèvements comme solution de rechange, facile et rentable.

L’analyste relève que des kidnappings peuvent être réalisés pour quelques milliers de pesos, la victime étant une personne modeste dont les proches vont avoir toutes les peines à rassembler les sommes exigées.

La multiplication récente des enlèvements renvoie les Mexicains à des souvenirs noirs de la fin des années 1990. En fait de plaie, il s’agissait d’un terrible fléau.

L’un des bandits les plus «fameux» de l’époque, Daniel Arizmendi Lopez – à la tête d’un gang surnommé «les mochaorejas» ou «coupeurs d’oreilles» – avait pour habitude de mutiler ses victimes afin d’encourager les proches à payer.

Entre 1995 et 1998, Arizmendi et ses hommes auraient enlevé et coupé les oreilles d’environ 180 personnes, la plupart d’entre elles venant de milieux socio-économique élevés, selon des ONG.  

En septembre 2001, l’enlèvement de l’homme d’affaires Pedro Galindo avait aussi défrayé la chronique, surtout parce que sa femme, Maria Elena Morera avait mené la négociation jusqu’à obtenir la libération de son mari. Elle est depuis une militante acharnée contre la violence.  

Aujourd’hui, Morera regrette que l’administration AMLO «ne semble pas comprendre» l’importance la Coordination nationale anti-enlèvement, créé en 2014 par le gouvernement de l’époque d’Enrique Peña Neto afin d’assurer le suivi de ce type de délit.

«Nous ne voyons pas de volonté d’avancer, ni dans la dénomination du crime ni dans la stratégie adoptée» affirme Morera, qui dirige l’ONG Causa en Comun en accusant le gouvernement actuel d’avoir nommé des responsables en fonction de leur proximité politique et non leur expérience.