(Washington) Le président Trump et son homologue russe Vladimir Poutine ont évoqué vendredi la situation au Venezuela, dossier sur lequel ils s’accusent mutuellement d’alimenter les tensions et de jouer un jeu dangereux.

«Conversation très productive!», a tweeté M. Trump à l’issue de cet échange téléphonique intervenu trois jours après une tentative avortée de soulèvement militaire dans ce pays aux immenses réserves pétrolières.

Le ton monte depuis plusieurs mois entre Washington, qui soutient l’opposant vénézuélien Juan Guaidó et réclame le départ du président Nicolas Maduro, et Moscou, qui accuse les États-Unis d’essayer d’organiser un «coup d’État».

Dans la nuit de jeudi à vendredi, M. Guaidó, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, a appelé à manifester «en paix» samedi devant les bases militaires du pays pour demander à l’armée, acteur central du pouvoir vénézuélien, de lâcher le président socialiste Nicolas Maduro.

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Juan Guaidó a livré une conférence de presse vendredi à Caracas.

Selon Sarah Huckabee Sanders, porte-parole de la Maison-Blanche, M. Trump a souligné, lors de cet entretien d’un peu plus d’une heure (qui a aussi porté sur l’Ukraine, la Corée du Nord ou encore le rapport Mueller), que les États-Unis étaient «aux côtés du peuple vénézuélien».

Le Kremlin de son côté a tenu à souligner que l’appel avait eu lieu à l’initiative de Washington. Selon le compte-rendu russe, M. Poutine a insisté sur le fait que «seuls les Vénézuéliens ont le droit de décider du futur de leur pays».

«L’ingérence dans les affaires intérieures, les tentatives de changement par la force du pouvoir à Caracas sapent les perspectives d’un règlement politique du conflit», a ajouté Moscou.

Mardi après-midi, alors que la plus grande confusion régnait à Caracas, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a assuré  que M. Maduro avait été sur le point de quitter le Venezuela le matin même mais que les Russes lui avaient dit de «rester».

«Où est notre porte-avions ?»

Le secrétaire la Défense Patrick Shanahan a accueilli vendredi matin au Pentagone Mike Pompeo ainsi que le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche John Bolton et l’amiral Craig Faller, qui dirige le commandement américain pour l’Amérique du Sud.

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Des heurts ont eu lieu mercredi entre manifestants anti-Maduro et forces de l'ordre à Caracas.

Rappelant la position de Donald Trump qui répète depuis plusieurs semaines que «toutes les options» sont sur la table, il a refusé de donner des précisions sur les contours d’une éventuelle intervention militaire.

«Je veux éviter d’entrer dans les détails de ce que nous pourrions faire ou pas, mais il faut comprendre que nos plans […] ont de la profondeur», s’est-il borné à dire. «Au fur et à mesure que les conditions changent (sur le terrain), nous faisons des modifications et des ajustements».

L’influent sénateur républicain Lindsey Graham a lui suggéré que les États-Unis envoient un porte-avions au large du Venezuela. «Cuba, la Russie envoient des troupes pour soutenir Maduro au Venezuela… pendant que nous parlons/sanctionnons. Où est notre porte-avions ?», a-t-il tweeté.

La tentative de soulèvement de mardi s’est dégonflée au cours de la journée. Quelque 25 militaires rebelles ont demandé l’asile à l’ambassade du Brésil à Caracas. Puis Leopoldo Lopez, une des figures de l’opposition, qui était assigné à résidence depuis 2017 et était apparu aux côtés de M. Guaidó et des soldats insurgés, s’est réfugié dans l’ambassade d’Espagne.

«Oui, nous sommes en plein combat, le moral doit être au maximum dans cette lutte pour désarmer tous les traîtres, tous les putschistes», a asséné jeudi Nicolas Maduro devant 4500 soldats rassemblés à Caracas dans la cour du Fort Tiuna, la principale caserne du pays.

La tentative de soulèvement a été accompagnée dans tout le Venezuela mardi et mercredi de manifestations monstre des partisans de M. Guaidó, émaillées de violents heurts entre des manifestants et les forces de l’ordre.

Ces affrontements ont fait quatre morts parmi les manifestants, selon l’opposition et les familles. Selon Amnistie Internationale, les troubles ont par ailleurs fait quelque 200 blessés et 205 personnes ont été arrêtées.

Le mécontentement populaire est alimenté par les conséquences de la pire crise de l’histoire récente du pays. L’hyperinflation pourrait atteindre 10 000 000 %, selon le FMI, les coupures de courant se multiplient et les hôpitaux ne peuvent plus soigner les malades, faute de médicaments et d’équipement.