(Caracas) L’opposant vénézuélien Juan Guaidó a appelé ses partisans à poursuivre les manifestations mercredi, au lendemain de violents heurts à Caracas dénoncés par le président Nicolas Maduro comme une « escarmouche putchiste » ayant échoué.

« J’appelle les Forces armées à continuer d’avancer dans l’“opération liberté”. Demain, 1er mai, nous continuerons […]. Dans tout le Venezuela, nous serons dans la rue », a lancé dans un message vidéo sur les réseaux sociaux Juan Guaidó.

Mardi, des manifestants se sont violemment opposés aux forces de l’ordre dans les rues de Caracas en soutien à un groupe de militaires qui avaient rallié M. Guaidó. Au moins 69 personnes ont été blessées, dont deux par balle.

REUTERS

Un véhicule blindé a foncé sur un groupe de manifestants de l’opposition, laissant plusieurs personnes au sol.

Dans une allocution télévisée prononcée dans la soirée, le président socialiste Nicolas Maduro a qualifié ces affrontements d’« escarmouche putchiste » et a promis des poursuites pénales contre les auteurs. Il a affirmé que son gouvernement contrôlait la situation, le haut commandement militaire lui étant resté fidèle.

Tout en reconnaissant son échec à rallier la majorité des militaires, M. Guaidó a assuré que la journée de mardi avait mis en lumière des failles dans le soutien de l’armée à M. Maduro. « Il est clair que ce qu’affirmait le régime, qui affirmait contrôler les Forces armées, est une farce », a-t-il lancé.

Un groupe d’insurgés a demandé l’asile à l’ambassade du Brésil. Une des figures de l’opposition, Leopoldo Lopez, qui était assigné à résidence depuis 2017, est apparu aux côtés de M. Guaidó et des militaires insurgés avant de se réfugier dans l’ambassade du Chili, puis dans celle d’Espagne.

M. Maduro a démenti des affirmations du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, selon lesquelles il avait été sur le point mardi matin de fuir vers Cuba avant d’en être dissuadé par la Russie.

« Monsieur Pompeo, je vous en prie, quel manque de sérieux », a raillé le président vénézuélien.

Les États-Unis « se tiennent aux côtés du peuple vénézuélien », avait assuré peu avant le président américain Donald Trump. Son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a lui lancé un ultimatum aux dirigeants militaires vénézuéliens. « Votre heure a sonné. C’est votre dernière chance », a-t-il tweeté à l’adresse du ministre de la Défense Vladimir Padrino, du chef de la garde présidentielle Ivan Hernandez et du président de la Cour suprême Maikel Moreno.

« Mettre fin à l’usurpation »

Mardi matin, aux abords de la base militaire de La Carlota, de violents affrontements avaient éclaté entre les forces de l’ordre loyalistes et des milliers de manifestants pro-Guaidó.

Un véhicule blindé a foncé sur un groupe de manifestants de l’opposition, laissant plusieurs personnes au sol, selon les images de la télévision locale.

« C’est le moment ! Les 24 États du pays se sont engagés sur le même chemin : il n’y a plus de retour en arrière. L’avenir nous appartient : le peuple et l’armée unis pour mettre fin à l’usurpation », avait lancé Guaidó sur Twitter.

REUTERS

Des soldats rebelles postés près de la base militaire de La Carlota.

Depuis le 23 janvier, le Venezuela, confronté à la plus grave crise de son histoire avec une économie au ralenti, une monnaie naufragée et des pénuries, compte de fait deux « présidents ». D’un côté le député de centre droit Juan Guaidó, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays dont les États-Unis, et de l’autre le chef de l’État en exercice, Nicolas Maduro, soutenu par la Chine et la Russie.

Des soldats arborant un ruban bleu, signe de ralliement à Juan Guaidó, étaient positionnés, armes à la main, dans cette zone de l’est de la capitale, a constaté l’AFP. « Le ruban bleu identifie les Vénézuéliens en uniforme ou non qui se mobilisent pour mettre fin à l’usurpation », a expliqué sur Twitter Carlos Vecchio.

« Nous aussi nous faisons partie du peuple et nous sommes fatigués de cette dictature », a déclaré à l’AFP un des militaires insurgés, sous couvert d’anonymat. Leur nombre n’était pas connu pour l’heure.

Des manifestations ont également eu lieu à Maracaibo, San Cristobal, Barquisimeto (ouest) et Valencia (nord), selon des témoignages d’habitants.

« Opération Liberté »

À l’aube, dans une vidéo tournée depuis la base militaire de La Carlota, Guaidó avait annoncé sur les réseaux sociaux avoir le soutien d’un groupe de « soldats courageux ».  Il était entouré d’un petit groupe d’hommes en uniforme.

Face à l’accélération des événements au Venezuela, les réactions se sont multipliées.  

« L’opposition radicale au Venezuela a une fois de plus recours à une confrontation par la force », a accusé Moscou, appelant à des pourparlers pour éviter l’effusion de sang.

L’Union européenne a de son côté appelé à la « plus grande retenue », soulignant « qu’il ne peut y avoir qu’une solution politique, pacifique et démocratique », dans un communiqué de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté « toutes les parties à éviter de recourir à la violence ».

Le Groupe de Lima, composé de 13 pays latino-américains et du Canada, a annoncé qu’il se réunira vendredi en urgence.  

AFP

Juan Guaidó et Leopoldo Lopez saluent des partisans lors d'un rassemblement à Caracas, mardi matin.

De leur côté, des alliés de Caracas comme Cuba, la Bolivie ou la Turquie, ont rejeté le « mouvement putschiste » et condamné « la tentative de coup d’État ».  

Nicolas Maduro a été réélu en juillet 2017 au cours d’un scrutin qui n’a été reconnu ni par l’Union européenne ni par les États-Unis.

Quelque 2,7 millions de Vénézuéliens ont fui le pays depuis 2015, face aux pénuries de biens de première nécessité et de médicaments, selon les chiffres de l’ONU.

Le Trésor américain a infligé une série de sévères sanctions financières au régime de Nicolas Maduro, qualifié d’« illégitime ». Dernières en date : l’embargo américain sur le pétrole vénézuélien entré en vigueur dimanche.