Andrés Manuel Lopez Obrador, le premier président de gauche de l'histoire récente du Mexique, a officiellement pris ses fonctions samedi, promettant de lutter contre la corruption en menant une transformation « profonde et radicale » du pays.

« Cela peut paraître prétentieux, mais aujourd'hui commence non seulement un nouveau gouvernement, mais aussi un nouveau régime politique », a-t-il déclaré devant le Congrès mexicain et des chefs d'État étrangers et représentants diplomatiques réunis à Mexico.

« À partir de maintenant, une transformation pacifique et ordonnée, mais profonde et radicale, sera réalisée, car nous en finirons avec la corruption et l'impunité qui empêchent la renaissance du Mexique », a-t-il promis, soulignant que « la politique économique néolibérale avait été un désastre, une calamité pour le pays ».

Le nouveau président mexicain s'est engagé à lutter contre la corruption et à gérer de façon rigoureuse les finances publiques afin de lancer divers programmes sociaux et une augmentation du salaire minimum.

M. Lopez Obrador, surnommé AMLO (ses initiales), prévoit le lancement de grands projets par le biais d'investissements publics et privés, comme le « train maya », qui reliera les zones touristiques dans l'est du pays, dans la péninsule du Yucatan.

De nombreux présidents d'Amérique latine, ainsi que le roi d'Espagne Felipe VI, le vice-président américain, Mike Pence, et Ivanka Trump, la fille du président américain, étaient présents dans l'assistance. Le président vénézuélien, Nicolas Maduro - dont l'invitation avait déclenché une polémique au Mexique - est arrivé pour le déjeuner suivant la cérémonie.

Après sa large victoire à l'élection présidentielle du 1er juillet et la majorité obtenue par la coalition dirigée par son parti Morena aux deux chambres du Congrès, M. Lopez Obrador aura les coudées franches pour transformer le Mexique.  

Sa victoire a été la plus ample depuis la mise en place du multipartisme en 2000 dans son pays, et la première pour un candidat de gauche.

Ses opposants craignent toutefois que son gouvernement ne verse dans une forme d'autoritarisme, et l'inquiétude croissante des milieux d'affaires ces dernières semaines a fait chuter le peso mexicain et la Bourse de Mexico.  

Jour historique

Après son investiture, l'ancien maire de Mexico (2000-2005) a rejoint le Palais national à bord de son habituelle Volkswagen Jetta blanche, avec une sécurité limitée.

« C'est un jour historique, je n'arrive toujours pas à le croire », a confié à l'AFP Jose Angel Mejia, 38 ans, aux abords de la Chambre des députés, où il est venu avec son fils de huit ans assister à l'arrivée d'AMLO.

En fin d'après-midi, M. Lopez Obrador a été intronisé par un représentant des peuples indigènes mexicains et a fait l'objet d'un rituel de purification à l'aide d'encens et de plantes traditionnelles, une première pour un chef d'État mexicain.

« Je réaffirme mon engagement à ne pas mentir, ne pas voler ni trahir le peuple mexicain », a lancé AMLO à la foule, tenant à la main un « bâton de commandement », symbole du pouvoir qui lui est conféré par les communautés indigènes.

La cérémonie a réuni plusieurs milliers de personnes sur la place centrale du Zocalo, où est situé le Palais national.

Le nouveau président envisage d'installer ses bureaux à cet endroit, délaissant l'actuelle résidence présidentielle de Los Pinos, qui dès samedi a été partiellement ouverte au public.

« Je sais qu'il prendra les bonnes décisions. Il n'a pas le droit de nous décevoir, comme il le dit lui-même », a commenté Raul Sanchez, un comptable de 28 ans.

Cherchant à imposer un nouveau style, AMLO a également annoncé la vente de l'avion présidentiel, et a promis de limiter sa sécurité rapprochée, comme il considère que « le peuple le protège », et de réduire son salaire de plus de moitié.

Dossiers épineux

Le nouveau président hérite de son impopulaire prédécesseur Enrique Pena Nieto (PRI, droite) une série de problèmes épineux, comme la violence liée au narcotrafic, une corruption endémique, la crise migratoire et une relation diplomatique hautement inflammable avec les États-Unis sous la présidence de Donald Trump.

Pour réduire la violence, AMLO veut s'attaquer à la pauvreté et compte également sur la création d'une « garde nationale », qui rassemblera une partie des corps militaires et policiers.

« Je ne pense pas qu'il arrivera à réduire la violence [...]. Ce pays est foutu » déclarait, résignée, à l'AFP Ofelia Martinez, une mère au foyer de 48 ans, qui vit à deux pas de l'Assemblée avec son mari électricien et leurs quatre enfants.  

AMLO devra aussi parvenir à rétablir la confiance vis-à-vis des milieux d'affaires, échaudés par sa décision d'annuler fin octobre la construction du futur aéroport à Mexico, d'un coût de 13 milliards de dollars, après une consultation publique entachée d'irrégularités. Un tiers en était déjà achevé.

Jusqu'à présent, Donald Trump a noué une relation étonnamment chaleureuse avec M. Lopez Obrador, même si la crise migratoire à la frontière pourrait compliquer la lune de miel.  

Le président américain fait pression sur AMLO pour qu'il accepte un accord stipulant que les migrants demandant l'asile aux États-Unis resteront sur le sol mexicain le temps que leur demande soit étudiée par les autorités américaines.