Depuis les élections américaines de mi-mandat, Donald Trump a peu mentionné les « criminels » de la caravane de migrants d'Amérique centrale menaçant selon lui d'« invasion » les États-Unis.

Mais la caravane poursuit sa route vers la frontière américano-mexicaine, et au-delà de la campagne américaine, une question légitime demeure : les migrants constituent-ils une menace pour la sécurité du pays ?

Les migrants, au nombre d'environ 5000, ont quitté lundi Guadalajara et se dirigent vers Tijuana, au nord-ouest du pays, à environ 1800 km.

Quand il entend le président américain les qualifier de « membres de gangs », Bayron Salinas, un mécanicien hondurien de la caravane, secoue la tête : « Les gangs sont ce que nous fuyons ».

Reniflant et toussant dans le froid, son fils d'un an dans les bras, Salinas ne ressemble pas beaucoup au portrait dressé par Trump de « voyous » et de « personnes très méchantes ».

Comme la plupart de ces migrants sans papiers marchant et faisant de l'auto-stop depuis un mois à travers l'Amérique centrale et le Mexique, Salinas et sa femme, Isamar, indiquent vouloir juste élever leur bébé loin de la pauvreté et des gangs de rue de leur pays d'origine.

« Pour la plupart, ce sont des familles et des adultes demandeurs d'asile, fuyant la violence, les menaces et les conditions difficiles », assure Royce Bernstein Murray du American Immigration Council, un groupe de réflexion basé à Washington. « Ils cherchent simplement un lieu en sécurité », dit-elle.

« Moyen-Orientaux »

Cependant, il est difficile de rejeter complètement les craintes sécuritaires suscitées par ce vaste cortège de migrants, depuis les attentats de Paris en 2015.

Certains des auteurs des attentats perpétrés il y a trois ans dans la capitale française s'étaient introduits en Europe dans le flot de migrants et de réfugiés fuyant la Syrie.  

La rhétorique de Trump sur la caravane de migrants a repris le langage de l'extrême droite européenne durant l'exode syrien, sans toutefois que rien ne prouve que des terroristes islamistes soient infiltrés dans la caravane de migrants.  

Trump a lui-même admis qu'il n'existait « aucune preuve » en dépit d'un tweet très alarmiste dans lequel il affirmait que « des inconnus du Moyen-Orient » s'y trouvaient.

Les experts en migration, les analystes en sécurité et certains migrants eux-mêmes disent qu'il est possible qu'un petit nombre de membres de gangs ou d'autres criminels soient présents dans la caravane.

Certains migrants ont déclaré à l'AFP qu'ils avaient identifié un petit groupe de jeunes délinquants qui se droguent et volent, mais pas d'une présence criminelle plus importante.

« Si nous réalisons qu'il y a un voleur dans le groupe, nous le frappons fort. Aucun voleur intelligent ne resterait ici », commente Denis Alberto de la Cruz, un pêcheur guatémaltèque de 31 ans.

« Dans tous les groupes aussi importants, des personnes ayant des antécédents judiciaires sont probablement présentes », admet Richard Miles, expert en sécurité au sein du Center for Strategic & International Studies de Washington.  

« Mais s'il y avait une présence importante de MS-13, le groupe l'aurait certainement révélé, parce que la plupart de ces personnes les fuient justement », dit-il en référence à un violent gang.

Ces criminels seraient en outre assez facilement repérés aux États-Unis, qui ont des frontières sécurisées et des « processus étendus » de contrôle à l'aide de relevés d'empreintes digitales, de données biométriques et de vérifications des antécédents, ajoute Bernstein Murray.

Les migrants, qui sont partis du Honduras le 13 octobre, n'ont déclenché la furie de Trump qu'après avoir submergé une première barrière entre le Guatemala et le Mexique, puis affronté la police anti-émeute mexicaine.

Trump a déployé des milliers de militaires à la frontière américano-mexicaine, mais il est peu probable que la caravane tente de s'imposer de force aux États-Unis, selon les experts.  A Tijuana, les autorités américaines ont réduit les voies d'accès pour les automobiles et installé des barrières en ciment ainsi que des barbelés.

Les migrants voyagent surtout en groupe pour se protéger des agressions et enlèvements au Mexique.

Leur arrivée à la frontière ne devrait pas poser de problème aux États-Unis, anticipe Bernstein Murray.

« La frontière est plus sécurisée que jamais », dit-elle. « Dans n'importe quel groupe d'êtres humains, vous courez le risque qu'il y ait de mauvais éléments, mais la grande majorité, la quasi-totalité de ces individus sont exactement ce qu'ils prétendent être », conclut-elle.