L'ex-président Lula a renoncé mardi à être candidat à la présidentielle au Brésil dont il était le grand favori et a passé le témoin à son colistier Fernando Haddad après s'être battu jusqu'à la date limite fixée par la justice.

Après des heures de réunion, le Parti des Travailleurs (PT), la formation de gauche de Lula, a décidé de le remplacer par son colistier, Fernando Haddad, suite à l'invalidation de la candidature de son chef historique le 1er septembre par le Tribunal supérieur électoral (TSE).

«La décision a été prise», a annoncé un dirigeant du Parti interrogé sur le remplacement de Lula par M. Haddad, en attendant une annonce officielle du grand parti de gauche à Curitiba, où est détenu Lula.

L'ex-président (2003-2010), qui purge depuis avril une peine de 12 ans et un mois pour corruption, «a écrit une lettre dans laquelle il désigne Fernando Haddad comme son candidat, son représentant», ont indiqué d'autres sources du PT.

Paulo Pimenta, dirigeant du PT, a expliqué sur Facebook que «Lula a une entière confiance en Haddad, qui représentera notre héritage et Histoire et sera le porte-voix de Lula.

Avant même l'annonce officielle de la direction du PT réunie à huis clos dans un hôtel de Curitiba, de nombreux membres du PT avaient éventé sur les réseaux sociaux cette nouvelle largement attendue, tweetant notamment: «Haddad c'est Lula».

Jusqu'à l'invalidation de sa candidature, Lula était quasiment assuré d'être élu pour un 3e mandat, selon les sondages.

Choix douloureux

Le TSE avait laissé au parti jusqu'à ce mardi 19h00 pour présenter un autre candidat au scrutin des 7 et 28 octobre.

Plusieurs centaines de militants du PT et des travailleurs ruraux issus du Mouvement des Sans Terre (MST), se sont réunis devant la prison de Lula, au siège de la police fédérale.

La défense de Lula et le PT ont déposé tous les recours possibles pour ne pas à en arriver à ce choix douloureux, y compris une demande de report de la date butoir au 17 septembre, qui a été refusée lundi par la présidente du TSE Rosa Weber.

Ses avocats se sont aussi adressés à l'ONU, dont le Comité des droits de l'homme avait demandé à Brasilia de respecter le droit de l'ex-ouvrier métallurgiste à se présenter.

Le jusqu'au-boutisme de Lula a été critiqué par certains militants du PT, qui auraient préféré que Fernando Haddad ait plus de temps

Il va en effet entrer dans la campagne électorale quatre semaines seulement avant le premier tour. Il n'a participé à aucun des débats entre les présidentiables et son nom reste encore largement inconnu en dehors de la métropole de Sao Paulo.

«C'est une tâche herculéenne qui attend Haddad, comme s'il devait courir un sprint en côte», a estimé Matias Spektor, professeur de la Fondation Getulio Vargas.

«Mais il est porté par un parti puissant et soutenu par Lula, qui reste le leader le plus populaire du pays», a-t-il souligné.

L'ex-maire de Sao Paulo commence à progresser dans les sondages, l'institut Datafolha le créditant de 9% des voix dans sa dernière enquête publiée lundi - alors qu'il n'était pas encore officiellement candidat - contre 4% il y a trois semaines.

Il reste toutefois très loin du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro, largement en tête avec 24% après avoir été poignardé en faisant campagne jeudi.

Fernando Haddad devrait disputer les voix de gauche à Ciro Gomes, qui arrive deuxième dans le sondage de Datafolha après une nette progression, à 13%, contre 10% il y a trois semaines.

Les marchés inquiets 

Lula est en prison pour corruption passive et blanchiment d'argent.

Celui qui avait quitté le pouvoir avec un taux record de 87% d'opinions favorables a été accusé d'avoir reçu en pot-de-vin d'une entreprise du BTP un triplex dans une station balnéaire en échange de faveurs dans l'attribution de marchés publics.

Ce qu'il a toujours nié farouchement, évoquant un complot politique destiné à l'empêcher de se représenter.

Les marchés ont réagi avec inquiétude à la progression des candidats de gauche dans le dernier sondage, la bourse de Sao Paulo chutant de 2,3%, tandis que s'accentuait la dépréciation du réal par rapport au dollar.

«Pour les marchés, c'est une situation délicate, parce que rien n'est défini, ce qui entame la confiance des investisseurs. (...) Cette situation devrait perdurer jusqu'au verdict des urnes», considère Harold Tao, du cabinet de courtiers Walpires.

Photo RODOLFO BUHRER, REUTERS

Fernando Haddad