« Coupes budgétaires, incendie », pouvait-on lire sur la banderole d'un manifestant devant le Musée national carbonisé de Rio, une « tragédie annoncée » qui en dit long sur la dramatique insuffisance de crédits au Brésil dans des secteurs comme la science, la recherche ou l'éducation.

Pendant que les flammes réduisaient en cendres les 200 ans d'Histoire que recelait le majestueux palais impérial, de nombreuses voix s'élevaient mardi, à cinq semaines de l'élection présidentielle, pour rejeter la responsabilité sur la cure d'austérité imposée par le gouvernement impopulaire du président Michel Temer.

D'autres regrettaient que ce drame ait eu lieu dans une ville où des milliards avaient été investis pour l'organisation de la Coupe du Monde de 2014 et les jeux Olympiques de 2016.

Le site d'information Uol a par exemple rappelé que le seul coût de rénovation du mythique stade de football Maracana de Rio aurait suffi à payer l'entretien du musée pendant 2400 ans.

Priorité à la dette

Fin 2016, tandis que le pays était plongé dans une récession historique et plombé par une dette gigantesque, le président Temer a fait approuver par le Parlement le gel des dépenses publiques, avec de fortes saignées dans les budgets de plusieurs ministères.

La recherche, l'éducation et la culture ont été parmi les plus affectés.

Près de la moitié (44 %) du budget de l'an dernier de la science et de la technologie a été gelé. Dans certains laboratoires de recherche, des chercheurs sont obligés d'acheter eux-mêmes le matériel pour poursuivre leurs travaux.

« C'est la conséquence des politiques néo-libérales du gouvernement, qui privilégie le paiement de la dette », explique à l'AFP l'économiste Felipe Queiroz.

« La situation est catastrophique. Nous sommes en train de perdre notre passé et de sacrifier notre avenir », ajoute-t-il.

C'est ainsi que le Musée national, pourtant considéré comme le plus grand musée d'histoire naturelle d'Amérique latine, avec plus de 20 millions de pièces de valeur, a vu ses subventions réduites comme une peau de chagrin.

D'après l'ONG Contas Abertas (comptes ouverts), le musée, géré par l'Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), a vu ses subventions passer de 979 000 réais en 2013 à 643 000 en 2017.

Et pour ce qui est de 2018, seuls 98 115 réais avaient été versés jusqu'au 31 août.

« Il s'agit d'un montant infime, comparé à celui d'un simple contrat annuel pour le lavage de 83 véhicules de la chambre des députés, qui coûte 563 000 réais », a expliqué à l'AFP Gil Castello Branco, directeur de l'ONG Contas Abertas.

Bicentenaire amer

Ces coupes drastiques ont obligé la direction du musée à fermer de nombreuses salles au public et à mettre au second plan des problèmes de maintenance du Musée.

Les détecteurs de fumée n'ont pas fonctionné et l'édifice -- dont les installations se trouvaient dans un état précaire, avec notamment de nombreux fils électriques apparents et endommagés -- n'était pas assuré contre les incendies. Des problèmes que la presse locale et direction du musée avaient pointés du doigt depuis plusieurs années

En juin, à l'occasion du bicentenaire du musée, l'UFRJ avait obtenu un apport de 21,7 millions de réais de la banque publique BNDES pour restaurer le palais impérial, mais ce montant n'a toujours pas été versé.

Les coupes budgétaires dans la recherche et l'éducation ont également une autre conséquence dramatique pour le Brésil : la fuite des cerveaux.

Marcelo Viana, directeur de l'Institut de mathématiques pures et appliquées (Impa), qui a organisé en juillet dernier le congrès international où ont été remises les médailles Fields, à Rio, parle de « génération perdue ».

« Dans certains pays, c'est dans les moments de crise que le budget de la recherche augmente pour créer de nouvelles sources de prospérité pour l'économie. Ici, au Brésil, le gouvernement a préféré l'austérité, ça n'a pas de sens », conclut le mathématicien.