De nouvelles représailles de Washington étaient attendues après la décision du président vénézuélien Nicolas Maduro, réélu dimanche lors d'un scrutin très critiqué par la communauté internationale, d'expulser ses deux plus hauts représentants diplomatiques à Caracas, en réplique aux nouvelles sanctions des États-Unis.

«J'ai déclaré persona non grata le chargé d'affaires des États-Unis (Todd Robinson) et j'annonce son départ dans les 48 heures», a déclaré le président socialiste, accusant M. Robinson de fomenter un complot militaire, économique et politique contre lui.

Nicolas Maduro a également ordonné l'expulsion du numéro deux de la mission diplomatique (les deux pays n'ont plus d'ambassadeurs respectifs depuis 2010), Brian Naranjo, qu'il a accusé d'être le représentant local de la CIA.

Il réplique ainsi au décret signé lundi par son homologue américain Donald Trump, visant à réduire la capacité du Venezuela à vendre ses actifs.

Washington pourrait d'ailleurs ne pas en rester là, un responsable du département d'État ayant dit mardi que les États-Unis pourraient prendre des «mesures réciproques appropriées» une fois reçue la «notification de la part du gouvernement vénézuélien à travers les canaux diplomatiques» de l'expulsion de leurs deux diplomates.

Ces nouvelles sanctions américaines s'inscrivent dans le concert de critiques internationales après la victoire de M. Maduro, 55 ans, avec 68% des voix contre 21,2% à son principal adversaire, Henri Falcon, 56 ans, dans le contexte d'une abstention record de 54% et d'un boycott par l'opposition qui dénonçait une «supercherie».

«Irrégularités» selon l'UE 

Les résultats annoncés, qualifiés de «farce» par les Américains, ont été aussi rejetés par le Groupe de Lima, une alliance de 14 pays d'Amérique et des Caraïbes qui comprend l'Argentine, le Brésil, le Canada, la Colombie et le Mexique. Ils ont rappelé dès lundi leurs ambassadeurs au Venezuela.

Mardi, Bruxelles a également haussé le ton: «L'Union européenne envisage des sanctions», a fait savoir la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, dénonçant de «nombreuses irrégularités signalées le jour du scrutin, y compris l'achat de votes».

Face à ces critiques, Caracas reste inflexible et crie au complot.

«Nous n'avons jamais vu une attaque internationale aussi impitoyable que celle menée contre ce processus» électoral, a dénoncé mardi la présidente du Conseil national électoral (CNE), la chaviste Tibisay Lucena, à l'occasion de la cérémonie de proclamation officielle de l'élection de M. Maduro.

Le ministère des Affaires étrangères a quant à lui fustigé «le lynchage politique et financier» du Venezuela par les États-Unis, où gouverne un «régime suprématiste, raciste et interventionniste (...) inspiré par les postulats néfastes du Ku Klux Klan». 

Militaires arrêtés 

Mardi, la justice militaire vénézuélienne a emprisonné mardi onze officiers des forces armées vénézuéliennes, accusés d'avoir comploté des actions déstabilisatrices contre le président Maduro.

Ils ont été accusés de «mutinerie, d'incitation à la mutinerie, de crimes contre la discipline militaire et de trahison de la patrie», a déclaré l'avocate de l'ONG de défense des droits de l'homme Foro Penal, Maria Torres.

Selon l'ONG Justicia Venezolana, 92 militaires ont été arrêtés depuis 2003 pour conspiration, dont 34 en 2018.

Par ailleurs, une «procédure de sanction administrative» a été prise mardi à l'encontre du site web du prestigieux quotidien vénézuélien El Nacional, son directeur évoquant des «représailles politiques».

La Commission nationale des télécommunications (CONATEL) a ordonné au site web de «s'abstenir de publier des nouvelles et des messages qui pourraient menacer la tranquillité d'esprit des citoyens».

Le Syndicat national des travailleurs de la presse dénonce l'escalade des «attaques» du gouvernement contre les médias, dans une «politique systématique d'accaparement et d'étouffement des espaces de liberté d'expression, de critique et de dissidence».

Selon l'ONG Espacio Público, 51 médias ont cessé d'opérer au Venezuela l'année dernière - 46 stations de radio, trois stations de télévision et deux journaux - en raison de sanctions, de problèmes économiques et du manque de fournitures comme le papier journal, monopole de l'État

Débâcle économique 

Au plan économique, le Venezuela est dans la débâche: autrefois le pays le plus riche d'Amérique latine grâce à ses immenses réserves pétrolières, il n'est plus que l'ombre de lui-même, se débattant entre hyperinflation et graves pénuries d'aliments et de médicaments.

La crise a déjà fait fuir à l'étranger des centaines de milliers de Vénézuéliens, mais M. Maduro assure que la faute en revient à la «guerre économique de la droite», soutenue par Washington. Il promet une «révolution économique» porteuse de prospérité pendant son second mandat.

«Ce qui se profile à l'horizon, c'est un plus grand isolement diplomatique et commercial et plus de difficultés pour accéder au crédit et au financement», estime l'analyste Diego Moya-Ocampos, du cabinet britannique IHS Markit.

Les États-Unis agitent déjà la menace d'un embargo pétrolier, dont les conséquences seraient redoutables pour le Venezuela, qui leur vend un tiers de son brut et est classé en défaut de paiement partiel par les agences de notation.

«Le Venezuela commence déjà à subir un boycott économique de la part des États-Unis et de leurs alliés et cela va être fatal au maintien du régime», assure l'expert en relations internationales Carlos Romero.

Mardi soir, une des principales compagnies aériennes du pays, Aserca, a annoncé la cessation de ses activités, trois semaines après celle de la compagnie Santa Barbara, et suivant une longue liste de compagnies internationales qui ont cessé d'opérer au Venezuela.