Le président du Nicaragua Daniel Ortega a libéré des dizaines d'étudiants arrêtés lors des manifestations qui ont fait 27 morts en six jours, afin d'apaiser la crise qui a suscité des critiques, les États-Unis condamnant l'usage de la «répression».

Confronté à une vague de colère sans précédent depuis son arrivée au pouvoir il y a 11 ans, l'ex-guérillero de 72 ans a fait appel aux forces de l'ordre mais leur zèle a inquiété la communauté internationale: l'Union européenne, les États-Unis et le Vatican ont critiqué la force excessive utilisée par la police.

Selon le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (CENIDH) les manifestations, déclenchées mercredi dernier, ont fait 26 morts, un bilan qui n'inclut pas le décès d'un policier annoncé par la vice-présidente Rosario Murillo, épouse du président.

Mardi, le gouvernement américain a condamné le recours à la «répression» lors des manifestations et «appelé à un large dialogue».

De son côté, l'ONU s'est inquiétée de possibles «exécutions illégales» et a demandé que des «enquêtes  (...) soient menées sur ces décès».

Une exaspération générale

De son côté, le pouvoir qui avait abandonné dimanche sa réforme des retraites, à l'origine de la contestation, a pris mardi deux mesures en faveur de l'apaisement. Il a libéré des dizaines d'étudiants arrêtés lors des manifestations et levé la mesure de censure sur une télévision locale.

Derrière ce mouvement se cache une exaspération plus générale d'une partie de la population, lassée de ses dures conditions de vie et de la confiscation du pouvoir par Daniel Ortega, déjà à la tête du pays de 1979 à 1990 et revenu en 2007.

«Les gens demandent la démocratie, la liberté, des élections libres, un gouvernement transparent, la séparation des pouvoirs, un État de droit», résume l'ancien ministre des Affaires étrangères, Norman Caldera.

«Si (le gouvernement) ne leur accorde pas ça, il va être difficile d'arrêter (les manifestations, ndlr), ici le peuple a prouvé qu'ils sont une grande majorité» à dénoncer cette situation et «l'appareil répressif ne suffit pas pour stopper l'ampleur des protestations».

Au-delà de la réforme des retraites, qui augmentait les cotisations et réduisait le montant des pensions, c'est le couple présidentiel qui est pris pour cible: «Que partent Ortega et Murillo», crient désormais les manifestants.

Ils dénoncent la mainmise sur le pays d'Ortega, qui contrôle le Parlement, la justice et les autorités électorales. Ce qui lui a permis de modifier les règles du jeu afin de se faire réélire en 2011 puis 2016.

«Depuis le retour du sandinisme au pouvoir en 2007, la démocratie nicaraguayenne s'est peu à peu effacée pour devenir un régime de plus en plus autoritaire», a commenté sur Twitter l'ex-président du Costa Rica Oscar Arias, prix Nobel de la Paix 1987.

«Beaucoup de douleur»

Inquiète de la tournure que prend la situation, la vice-présidente Murillo, qui comparait la semaine dernière les manifestants à «des vampires réclamant du sang pour nourrir leur agenda politique», a nettement adouci son discours: «Nous sommes capables de nous entendre à nouveau, comme dans les temps difficiles, et de retrouver les moyens ne nous réconcilier».

Mardi, elle a même affirmé que «la volonté des travailleurs de se rendre sur leurs lieux de travail, l'activité économique (...) tout cela est un signe de normalité et tranquillité».

L'archevêque de Managua, Leopoldo Brenes, a pour sa part accepté mardi de servir de «médiateur et témoin» du dialogue, tout en insistant pour que le gouvernement «évite tout acte de violence».

Mais pour beaucoup, le chemin de la réconciliation sera compliqué à trouver : «La réaction violente du gouvernement contre ces manifestations» a causé «beaucoup de douleur dans le pays», souligne l'ancien président de la Cour suprême, Alejandro Serrano.

Le gouvernement «doit s'ouvrir à la discussion sur les valeurs les plus basiques de la démocratie, des institutions, de l'État de droit et des droits de l'homme», estime-t-il.

Le Parlement a voté mardi à l'unanimité un «appel au dialogue et à la paix», selon le député sandiniste Carlos Lopez.

Mais le puissant Conseil supérieur des entreprises privées (COSEP), organisateur de la manifestation de lundi, exige d'abord la fin de la répression.

«Il ne peut y avoir de dialogue tant qu'ils continuent de matraquer et de tuer nos jeunes», a assuré le président de l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua, Michael Healy.