Une des audiences les plus attendues de la Cour suprême du Brésil (STF) s'est ouverte mercredi, pour déterminer si Lula sera incarcéré prochainement ou non, une décision cruciale à six mois de l'élection présidentielle pour laquelle il est donné favori.

Condamné en appel à 12 ans et un mois de prison pour corruption, l'ex-président brésilien, 72 ans, espère que la plus haute juridiction du pays lui concèdera un «habeas corpus» pour rester en liberté jusqu'à l'épuisement de tous les recours.

«Toute décision judiciaire est importante, mais certaines ont une plus grande répercussion que d'autres», a déclaré la présidente du STF, Carmen Lucia.

Soumis à une forte pression, les 11 magistrats doivent s'exprimer l'un après l'autre au cours d'un vote qui s'annonce particulièrement serré.

Dès les premières heures de la matinée, toutes les rues adjacentes du siège de la Cour suprême ont été bloquées.

De lourdes grilles de fer ont été installées pour séparer les militants pro et anti-Lula, mais seule une poignée de manifestants étaient présents sur l'esplanade centrale de Brasilia au moment du début de l'audience, sous une pluie battante.

Une opposante de l'ex-président se montrait plutôt pessimiste. «Cette Cour suprême ne représente pas le peuple brésilien parce qu'ils veulent libérer les voleurs», a-t-elle affirmé.

Mardi soir, plusieurs dizaines de milliers d'opposants à Lula sont descendus dans les rues de la plupart des grandes villes brésiliennes, notamment Sao Paulo et Rio de Janeiro.

Lula doit suivre l'audience dans la ville où il réside, Sao Bernardo do Campo, près de Sao Paulo, plus précisément au syndicat des métallurgistes qu'il a dirigé dans les années 70, où plusieurs dizaines de ses partisans se sont rendus dès le matin.

«Je n'ai pas dormi cette nuit, c'est un des pires jours de ma vie», a dit à l'AFP Leonor Mata, enseignante de 60 ans, visiblement inquiète à l'idée que Lula puisse se retrouver prochainement derrière les barreaux.

Un général contre l'«impunité»

S'il obtient gain de cause, l'ex-président (2003-2010) pourra faire campagne et miser sur un allongement considérable de la procédure, qui pourrait s'étirer des mois durant devant les instances supérieures.

Dans le cas contraire, plus aucun obstacle ne le séparerait de la prison et il pourrait se retrouver très prochainement derrière les barreaux.

Le général Eduardo Villas-Boas, chef de l'armée brésilienne, a publié sur Twitter un message dans lequel il indique que les militaires «partagent le sentiment des Brésiliens qui répudient toute impunité».

Même si elle ne fait pas référence explicite à Lula, cette publication laisse entendre une rare prise de position de l'armée, dans un pays qui vivait encore sous le joug de la dictature militaire (1964-1985) il y a une trentaine d'années.

Le ministre de la Défense, Joaquim Silva e Luna, a néanmoins expliqué au journal O Globo que la message du général ne signifiait aucunement l'intention d'un «usage de la force».

Mais Jair Bolsonaro, député d'extrême droite qui figure en deuxième position des intentions de vote derrière Lula, a sauté sur l'occasion et répondu dans un tweet : «Nous sommes avec vous général».

Amnesty International a pour sa part considéré que la déclaration du général était un «grave affront à l'indépendance des pouvoirs et une menace envers l'État démocratique».

«Jour J»

«Mercredi, c'est le jour J de la lutte contre la corruption», a écrit récemment sur Twitter Daltan Dallagnol, procureur chargé de l'opération «Lavage-Express», enquête tentaculaire qui a déjà conduit des dizaines d'hommes politiques de tous bords sous les verrous.

Lula est accusé d'avoir reçu un triplex en bord de mer en guise de pot-de-vin de la part d'une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l'obtention de marchés publics.

L'ex-président nie farouchement, invoquant l'absence de preuves et dénonçant un complot visant à l'empêcher de briguer un troisième mandat.

Une décision de la Cour suprême datant de 2016 stipule que toute peine de prison peut commencer à être purgée dès la condamnation en seconde instance, ce qui est le cas pour Lula, dont le premier recours a été rejeté par une cour d'appel fin janvier.

Mais un jugement favorable en ce qui concerne la demande d'«habeas corpus» pourrait changer la donne et faire jurisprudence, permettant en théorie à tous les condamnés de rester en liberté jusqu'à l'épuisement de tous les recours.