Devra-t-il ou non aller en prison avant que tous les recours après sa condamnation à plus de 12 ans pour corruption n'aient été épuisés? La Cour supême rend ce jeudi une décision cruciale pour l'ex-président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.

L'avis de la juridiction suprême, qui se réunit à partir de 13h à Brasilia pour trancher sur le sort de la figure emblématique de la gauche brésilienne, aura un impact également sur l'élection présidentielle d'octobre pour laquelle Lula, s'il peut concourir, reste le grand favori.

Les 11 juges peuvent en effet accorder un habeas corpus qui permettrait à Lula de rester en liberté tant que le dernier des nombreux recours possibles contre sa condamnation n'aura pas été épuisé. Cela pourrait durer des mois, voire plusieurs années.

Si en revanche la Cour suprême tranche en sa défaveur, il sera probablement très proche de la prison dès la semaine prochaine.

Saisi sur la même question, le Tribunal suprême de Justice (STJ, de troisième instance) avait déjà tranché en la défaveur de Lula, refusant de lui accorder un habeas corpus.

Lula a été condamné en appel en janvier à 12 ans et un mois de prison pour corruption et blanchiment d'argent, après avoir été reconnu coupable d'avoir accepté un triplex en bord de mer de la part d'une entreprise de construction impliquée dans le gigantesque scandale autour du groupe public Petrobras. Il a toujours nié farouchement.

L'audience de la Cour suprême - pour laquelle la gauche a appelé à manifester devant la Cour - a été annoncée seulement mercredi, à la surprise générale, par sa présidente Carmen Lucia. Celle-ci a apparemment subi des pressions de la part de certains des juges de sa juridiction, mais aussi de juristes et de ministres, au nom du principe général de la «présomption d'innocence».

Dans ce dossier extrêmement compliqué et technique, les juristes n'arrivent pas à se mettre d'accord. Mais une majorité estime que Lula, libre ou pas, sera déclaré inéligible pour le scrutin d'octobre. Cette décision incombe in fine à la justice électorale, qui tranchera en août.

«Demandes d'éclaircissements»

Complication supplémentaire, la situation de Lula se trouve aussi entre les mains du tribunal de deuxième instance de Porto Alegre (TRF4).

Ce tribunal, qui avait non seulement confirmé sa culpabilité, mais alourdi de plus de trois ans sa peine de prison ferme, doit de nouveau statuer lundi prochain sur un recours interjeté par la défense de Lula concernant des «demandes d'éclaircissements».

Si les trois juges de ce tribunal de Porto Alegre rejettent ce recours, l'ancien président de 72 ans aux deux mandats (2003-2010) pourrait être incarcéré après la publication du jugement, soit dès le début de la semaine prochaine.

Mais si d'ici là la Cour suprême a rendu un avis permettant à Lula de rester libre, cette menace sera caduque.

Plus combatif que jamais et déterminé à lutter contre un «complot» pour l'empêcher de se représenter, le leader du Parti des travailleurs (PT) continue ces jours-ci de battre les estrades et de réunir ses partisans dans le sud du Brésil.

Sa campagne électorale doit se terminer le 28 mars à Curitiba. Lundi, au moment du jugement du TRF4, il devrait se trouver à Foz de Iguazu, à la frontière avec l'Argentine et le Paraguay - si le programme prévu est respecté.

À sept mois de l'élection présidentielle, Lula est crédité de quelque 35% des intentions de vote, tout en restant un personnage très clivant qui continue de diviser fortement les Brésiliens.

Il n'est pas rare de voir des manifestants en marge de ses meetings brandir des marionnettes figurant Lula - poursuivi par ailleurs dans une demi-douzaine d'autres affaires, essentiellement de corruption - en uniforme rayé de prisonnier, dans un pays où la population est écoeurée par les scandales au sein de la classe politique.

Tout candidat doit se déclarer officiellement avant le 15 août pour l'élection présidentielle, la plus incertaine de l'Histoire moderne du Brésil.