L'ex-président Alvaro Uribe ne s'est jamais résigné d'avoir perdu le pouvoir en Colombie. L'adversaire le plus farouche de la paix avec les FARC, qu'il accuse d'avoir tué son père, se bat pour que la droite récupère les rênes du pays.

Les Colombiens sont appelés à désigner le 11 mars leurs parlementaires, puis le 27 mai un successeur au président Juan Manuel Santos, qui quittera le pouvoir à l'issue de deux mandats de quatre ans. Un second tour pourrait avoir lieu le 17 juin.

Peu de personnalités politiques sont à la fois aussi populaires et controversées qu'Uribe. Huit ans ont passé depuis que la justice a empêché le référendum par lequel il entendait se présenter pour un troisième mandat.

Les sondages unanimes le donnaient alors réélu et il passait au travers des scandales de corruption impliquant plusieurs de ses proches.

À 65 ans, il n'entend pas se retirer et s'enorgueillit de ne savoir ni danser, ni chanter, mais d'être un bourreau de travail.

Après avoir rompu avec son successeur et ex-allié Juan Manuel Santos, Alvaro Uribe est devenu le premier ancien président colombien à entrer au Sénat avec plus de deux millions de voix.

Il a accru sa popularité en rejetant l'accord de 2016, qui a abouti au désarmement de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et à sa transformation en parti politique.

Bien que cette paix ait évité près de 3000 morts par an, il argue que le pacte «incite à plus de violence» en évitant aux ex-rebelles la prison pour les crimes graves qu'ils ont commis.

Leader de la future majorité

Ce discours pourrait non seulement en faire le leader de la majorité au futur Parlement, mais aussi mener à la présidence Ivan Duque, 41 ans, jamais élu et favori des sondages face à son antithèse Gustavo Petro, ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout.

Sa réélection au Sénat étant assurée, Uribe espère que Duque sorte vainqueur de la primaire que sont les législatives de dimanche, dont l'issue désignera le candidat de la coalition de droite.

«La solidité de sa gestion gouvernementale et de sa pensée est très au-dessus de la temporalité habituelle des dirigeants», a déclaré à l'AFP le sénateur José Obdulio Gaviria, proche de l'ancien chef d'État.

Les Colombiens aiment ou détestent Uribe. Mais ses plus sévères critiques reconnaissent dans cet homme de petite taille, aux airs de séminariste, un orateur convainquant et un administrateur zélé.

C'est «un politique très intelligent, avec la capacité de comprendre ce que veulent ou ce dont ont besoin les gens, et de convertir des choses fausses en vérités», a ajouté Jorge Rojas, co-auteur du livre «A las puertas del Uberrimo».

Cet ouvrage, qui dénonce la complicité présumée d'Uribe avec les paramilitaires d'extrême droite, fait allusion à la propriété homonyme de l'ex-président, qui revendique son ascendance paysanne et ses dons de cavalier.

Cible de 15 attentats

Après avoir été maire, gouverneur et parlementaire, ce juriste libéral qui a étudié à Harvard, a pris le pouvoir au plus fort du conflit qui déchire la Colombie depuis plus d'un demi-siècle.

En 2002, le pays traversait une période critique après l'échec d'un processus de paix avec les FARC, l'offensive paramilitaire et un trafic de drogue qui finançait tout le monde.

L'ex-guérilla avait même bombardé le palais présidentiel pendant la prise de fonction d'Uribe, élu dès le premier tour.

Sous son gouvernement, les FARC ont subi les coups les plus durs, les paramilitaires se sont démobilisés après des négociations controversées, l'économie a progressé et les Colombiens ont eu l'impression de vivre plus en sécurité.

Mais il a aussi été dans la mire de la justice colombienne et d'ONG internationales pour les exécutions extra-judiciaires commises par des militaires. Durant ses mandats, la guerre a fait 40% des plus de huit millions de victimes répertoriées entre morts, disparus et déplacés.

Cible de 15 attentats, il semble avoir fait de la revanche contre les FARC le but de sa vie.

Son père a été assassiné de deux balles en 1983 lors d'une tentative d'enlèvement et, estimant qu'«il n'y a jamais d'oubli», il en accuse les Farc qui mettent en doute sa version.

Fervent catholique, ce père de deux enfants et grand-père de trois a propagé en Colombie la crainte du «castro-chavisme».

«Quel pays voulons-nous? Un pays de haine des classes? Un deuxième Venezuela? Ou un pays solidaire avec une économie à vision chrétienne?», lance dans ses meetings le sénateur, récemment mis en cause dans des enquêtes pour corruption et manipulation de témoins.