Le pape François a décidé d'envoyer un enquêteur au Chili pour entendre des témoins souhaitant s'exprimer sur le cas de Mgr Juan Barros, un évêque chilien soupçonné d'avoir gardé sous silence les agissements d'un vieux prêtre pédophile.

La décision du pape a été prise «à la suite de quelques informations parvenues récemment» au Vatican au sujet de Mgr Juan Barros, évêque d'Osorno», précise mardi un communiqué du Vatican.

Le pape argentin a choisi d'envoyer Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte et président d'un conseil du Vatican examinant les recours de prêtres soupçonnés de délits graves, comme les viols sur mineurs de la part du clergé.

Mgr Scicluna sera chargé «d'écouter ceux qui ont exprimé la volonté de soumettre des éléments en leur possession», précise simplement le communiqué du Saint-Siège.

Ce prélat a été pendant dix ans (jusqu'en 2012) le «promoteur de justice» du tribunal du Vatican chargé d'enquêter sur les cas de pédophilie chez les prêtres, se forgeant un nom pour son combat déterminé.

Ce Maltais né au Canada a permis notamment l'ouverture d'une enquête sur le père Marcial Maciel, fondateur mexicain de la congrégation des Légionnaires du Christ et auteur de nombreux cas de pédophilie.

Le cas du Mgr Juan Barros, 61 ans, a empoisonné le récent voyage du pape au Chili (15 au 18 janvier).

En janvier 2015, le pape François avait pris la décision de nommer ce prélat à la tête du diocèse d'Osorno, bien qu'il soit soupçonné d'avoir tu les actes pédophiles d'un vieux prêtre.

L'octogénaire père Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique de prêtres, a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Il a été contraint de se retirer pour une vie de pénitence.

Des victimes de Karadima ont accusé Barros d'avoir assisté à certains actes de pédophilie sans les dénoncer.

L'omniprésence de Mgr Barros aux messes publiques célébrées par le pape dans trois villes différentes du Chili avait soulevé un tollé dans l'opinion publique chilienne.

«Le jour où vous m'apportez une preuve contre l'évêque Barros, je vous parlerai. Il n'y a pas une seule preuve contre lui. Tout est calomnie», avait lancé le pape, apostrophé par des journalistes au Chili, avant de donner une accolade publique au prélat controversé.

Dans l'avion le ramenant à Rome, le pape avait dû présenter ses excuses aux victimes d'abus sexuels. «Entendre le pape leur dire en face "apportez-moi une lettre avec la preuve" c'est une gifle et je me rends compte maintenant que mon expression n'a pas été heureuse», avait-il convenu.

François avait toutefois précisé que le Vatican avait enquêté très sérieusement dans le passé sur ce cas sans trouver «d'élément à charge», ajoutant qu'il était «convaincu» de l'innocence de Mgr. Barros.

Au Chili, le pape avait exprimé sa «honte» pour les actes d'abus sexuels du clergé et rencontré deux victimes.

Photo Vladimir RODAS, AFP

Le père Fernando Karadima