Le président sortant du Honduras, Juan Orlando Hernandez, a appelé jeudi ses partisans à manifester pour célébrer sa réélection qui n'est pourtant pas confirmée officiellement et reste très contestée par ses opposants, eux aussi dans la rue.

«C'est un message de soutien à notre candidat et plus grand dirigeant, Juan Orlando Hernandez», a expliqué aux journalistes Reinaldo Sanchez, président du Parti national (PN, droite), en convoquant cette manifestation dans la capitale Tegucigalpa.

Onze jours après le scrutin du 26 novembre, le Tribunal suprême électoral (TSE) n'a toujours pas proclamé de vainqueur même si ses chiffres, portant sur 100 % des bulletins, créditent M. Hernandez de 42,98 % des voix contre 41,38 % pour son opposant de gauche, l'animateur de télévision Salvador Nasralla.

Criant à la «fraude» et au «vol» de l'élection, les sympathisants de ce dernier n'ont cessé de manifester leur colère depuis le vote, ce qui a dégénéré dans des violences, avec au moins trois morts selon les autorités - 11 selon des organismes de défense des droits de l'homme -, et des pillages de commerces.

Jeudi ils bloquaient diverses voies d'accès à la capitale.

«Il y a des manifestations signalées sur les routes» dans plusieurs régions du pays, a indiqué le porte-parole de la police, le commissaire Jair Meza. «Les manifestants sont en train de brûler des pneus», mais «la police agira pour libérer les voies».

La présence dans les rues des deux camps laisse craindre de nouvelles violences dans ce pays pauvre, considéré comme l'un des plus dangereux en monde.

Populaire animateur de télévision sans expérience politique, Salvador Nasralla, 49 ans, avait créé la surprise dans les premières heures après l'élection, en devançant de près de cinq points Juan Orlando Hernandez, 64 ans.

Mais après ces résultats partiels portant alors sur 57 % des bulletins, il avait peu à peu perdu son avance avant de se faire doubler.

Il accuse le TSE d'avoir falsifié une partie des procès-verbaux à la faveur de pannes informatiques, et réclame un recomptage total des votes par des organismes internationaux.

Ces derniers se sont rangés de son côté, l'Organisation des États américains (OEA) demandant «un processus exhaustif et méticuleux de vérification» des résultats.

L'OEA dénonce le «manque de garantie et de transparence» ainsi que «l'accumulation d'irrégularités», estimant qu'elle «ne peut avoir de certitudes sur les résultats».

Vers un nouveau scrutin ?

Dans un communiqué commun, l'Argentine, le Chili, la Colombie, le Guatemala, le Mexique, le Paraguay, le Pérou, le Chili et l'Uruguay ont exprimé leur «soutien» à un examen global du processus.

Le président Hernandez a dit accepter un recomptage total des voix, mais l'opposition, qui a jusqu'à vendredi pour en faire la demande officielle auprès du TSE, ne l'avait toujours pas fait jeudi.

M. Nasralla, qui a à maintes reprises exprimé sa méfiance à l'égard du TSE, souhaite la formation par des organisations internationales, comme l'OEA ou l'Union européenne, d'un organisme indépendant chargé de procéder à un examen minutieux de la totalité des bulletins.

«Il n'est pas approprié que cet arbitre (le TSE, NDLR) continue», a dit Nasralla, qui donnera une nouvelle conférence de presse jeudi.

L'état d'urgence, décrété vendredi dernier, a été partiellement levé mercredi, et la police a noué un accord pour ne pas réprimer les manifestations, mais les risques de violence restent forts.

Les États-Unis ont d'ailleurs appelé leurs ressortissants à «reporter ou annuler tout déplacement» dans le pays tant que la crise électorale n'est pas résolue.

Car si les mobilisations se poursuivent, «il est probable que cela dégénère en troubles», met en garde le sociologue Osman Lopez, professeur à l'Université nationale.

Difficile pour nombre de Honduriens d'accepter une victoire du président sortant alors que «la population a montré son respect pour la démocratie (en participant à l'élection) et a voté davantage contre la réélection illégale (du président sortant) que pour Nasralla», ajoute-t-il.

M. Hernandez a en effet contourné l'interdiction de deux mandats consécutifs, qui figure dans la Constitution, grâce à une décision favorable du Tribunal constitutionnel.

Pour sortir de la crise, l'OEA a commencé à évoquer une nouvelle option, celle d'«un nouvel appel à des élections». Le Parti libéral (PL, droite), arrivé troisième le 26 novembre avec 14,73 % des voix, a déposé un recours en ce sens.