La démocratie est en danger de mort au Venezuela, estime l'ONU, au lendemain des déclarations du président français qualifiant le régime du président Nicolas Maduro de «dictature», une accusation dénoncée par Caracas comme une «ingérence» dans ses affaires intérieures.

À l'occasion de la publication à Genève d'un rapport accablant sur la situation des droits de l'homme au Venezuela, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme s'est interrogé sur la survie de la démocratie dans ce pays, dont il accuse le gouvernement de «réprimer des voix critiques et d'instiller la peur parmi la population».

La veille, le président français Emmanuel Macron avait été encore plus loin, qualifiant le régime du président Nicolas Maduro de «dictature».

Interrogé par les journalistes sur ce commentaire, le Haut-Commissaire Zeid Ra'ad Al Hussein a été plus mesuré. Il a reconnu qu'il y avait eu «une érosion de la vie démocratique» qui «doit être à peine vivante, si elle est encore en vie».

Le ministère vénézuélien des Affaires étrangères a qualifié mercredi de «lamentables» les propos du président Macron et dénoncé une «ingérence claire» dans les affaires intérieures du pays. Il n'a toutefois pas réagi aux déclarations du Haut-Commissariat.

Lors d'un point de presse à Paris, le ministère français des Affaires étrangères a demandé aux autorités vénézuéliennes de «donner très rapidement des gages en matière de respect de l'État de droit et des libertés fondamentales».

Le Haut-Commissariat a publié mercredi un rapport accablant sur la situation au Venezuela, notamment sur la répression des manifestations de l'opposition.

Le document dénonce «une volonté politique de réprimer des voix critiques et d'instiller la peur parmi la population, afin de mettre un terme aux protestations».

«Le recours généralisé et systématique à une force excessive pendant les manifestations, et la détention arbitraire de manifestants et d'opposants politiques présumés, indiquent qu'il ne s'agit pas d'actes isolés et illégaux de la part de quelques officiers», souligne le rapport.

M. Zeid a averti que la crise économique et sociale persistante et les tensions politiques croissantes risquent d'aggraver la situation du Venezuela.

Ce pays producteur de pétrole, en proie à une grave crise économique marquée par des pénuries de produits de première nécessité, est le théâtre de manifestations depuis avril contre le président Maduro qui ont fait près de 130 morts.

Décharges électriques, asphyxie 

M. Zeid s'est dit par ailleurs préoccupé par les récentes mesures prises par les autorités pour criminaliser les leaders de l'opposition politique.

La toute-puissante Assemblée constituante vénézuélienne a ainsi décidé mardi de faire traduire en justice pour «trahison» les opposants qui ont, selon elle, encouragé les sanctions financières des États-Unis contre le pays.

M. Zeid a également pointé les «traitements dégradants assimilables dans certains cas à de la torture». Le rapport dénonce le recours aux «décharges électriques, à des pratiques de suspension par les poignets pendant de longues périodes, à l'asphyxie par le gaz, et à des menaces de mort, voire des menaces de violence sexuelle».

Les autorités vénézuéliennes ayant refusé l'accès au pays aux enquêteurs de l'ONU, M. Zeid avait chargé une équipe de spécialistes des droits de l'homme d'interviewer à distance quelque 135 victimes et leurs familles, ainsi que des témoins, des journalistes, des avocats, des médecins, et des membres du Bureau de la procureure générale.

D'après les estimations d'une ONG locale, plus de 5000 personnes ont été détenues depuis le 1er avril, et plus de 1000 étaient encore détenues au 31 juillet, selon le rapport.

Le Haut-Commissaire a également dénoncé les attaques menées par les forces de sécurité contre les journalistes et les travailleurs des médias, qualifiés d'«ennemis ou de terroristes», afin de les empêcher de couvrir les manifestations.

En conclusion, le rapport invite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à «envisager de prendre des mesures afin d'empêcher que la situation des droits de l'homme au Venezuela, qui siège actuellement au Conseil, ne se détériore encore plus».