Le Venezuela va lancer un mandat d'arrêt international contre l'ex-procureure générale Luisa Ortega, devenue une des principales opposantes au président socialiste Nicolas Maduro et en fuite vers le Brésil après une étape en Colombie, a annoncé mardi le chef de l'État.

«Le Venezuela va solliciter auprès d'Interpol une notice rouge contre ces personnes impliquées dans des délits graves», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

Il faisait référence à Mme Ortega et à son mari German Ferrer, député chaviste (du nom d'Hugo Chavez qui fut président de 1999 à sa mort en 2013 et le mentor de Nicolas Maduro) passé à l'opposition.

«Tu marches avec l'oligarchie colombienne, avec les putschistes brésiliens. Dis-moi avec qui tu marches et je te dirai qui tu es», a lancé le dirigeant socialiste à l'attention de l'ex-procureure.

M. Maduro a également demandé l'aide du pape François pour dialoguer avec l'opposition et lutter contre la «menace militaire» des États-Unis, qu'il accuse de vouloir fomenter un coup d'Etat.

«Que le pape nous aide à un dialogue respectueux, à (atteindre) la vérité, que le pape nous aide à empêcher (le président américain Donald) Trump de lancer ses troupes et d'envahir le Venezuela. Je demande au pape son aide contre la menace militaire des États-Unis», a-t-il dit.

Isolé sur la scène internationale, le président a toutefois rappelé qu'il compte encore un allié de poids: la Russie.

«Le Venezuela a le soutien de la Russie, plein, total, absolu», a-t-il affirmé, annonçant une prochaine réunion à Moscou avec son homologue Vladimir Poutine, qu'il a qualifié d'«homme de paix», afin de «continuer à renforcer l'accord de coopération militaire».

«Bogota, Caïn de l'Amérique» 

Luisa Ortega, qui n'a cessé de dénoncer la radicalisation du gouvernement vénézuélien ces derniers mois, a fui vendredi son pays où elle s'estime victime de «persécution politique», se rendant d'abord en Colombie.

Mardi, elle «est partie pour le Brésil», a déclaré le service colombien de Migrations dans un communiqué, sans préciser si son mari était avec elle.

Accompagnée de son époux, l'ex-procureure était arrivée le 19 août à Bogota sur un vol privé, bravant l'interdiction qui lui était faite de sortir du territoire vénézuélien.

«Si elle demande l'asile (en Colombie), nous le lui accorderons», avait promis le président Juan Manuel Santos.

Ancienne chaviste devenue dissidente, l'ex-procureure, âgée de 59 ans, a été démise de ses fonctions le 5 août par la toute nouvelle Assemblée constituante acquise au chef de l'Etat.

Son époux, accusé de corruption par le gouvernement, risquait d'être arrêté après avoir été privé jeudi de son immunité parlementaire par l'Assemblée constituante.

Dotée de super-pouvoirs, cette assemblée s'est également attribuée vendredi l'essentiel des pouvoirs du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition.

«Bogota est devenu le centre de la conspiration contre la démocratie et la paix au Venezuela. Honte historique au "Caïn de l'Amérique"!», a lancé sur Twitter le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Jorge Arreaza, en référence à celui qui dans la Bible et le Coran tue son frère cadet Abel.

D'autres juristes ont fui 

L'important quotidien brésilien O Globo a indiqué qu'«un important dispositif de sécurité» était préparé pour «protéger l'ex-procureure générale» au Brésil, où elle doit participer à une rencontre de procureurs de la région.

Le Chili a lui annoncé accorder l'asile diplomatique à cinq autres juristes vénézuéliens, membres de l'opposition et réfugiés dans son ambassade à Caracas.

Ils faisaient partie des 33 juristes nommés à la Cour suprême par le Parlement dominé par l'opposition, mais menacés d'arrestation par le gouvernement. Cinq autres juristes ont eux rejoint la Colombie.

M. Maduro en personne s'en est pris dimanche à l'ex-procureure, à laquelle il a reproché d'avoir bloqué des enquêtes sur des cas présumés de corruption dont il avait ordonné l'ouverture.

Deux jours plus tôt, elle l'avait accusé d'être impliqué dans le vaste scandale de corruption autour de l'entreprise brésilienne de BTP Odebrecht, affirmant détenir des preuves.

Nicolas Maduro, élu en 2013 et dont le mandat s'achève début 2019, est confronté depuis début avril à une vague de manifestations pour exiger son départ qui ont fait 125 morts, sur fond de naufrage économique.

Onze pays d'Amérique latine et le Canada ont récemment condamné la «rupture démocratique» au Venezuela, s'ajoutant aux critiques de Washington, de l'ONU et de l'Union européenne. Mais jusqu'à présent le président est resté sourd aux pressions venues de l'étranger.