L'appel de l'opposition vénézuélienne à manifester était faiblement suivi samedi à la veille de l'élection d'une Assemblée Constituante voulue par le président Nicolas Maduro, un scrutin controversé qui s'annonce tendu alors que les anti-Maduro veulent accroître la pression dans la rue.

L'opposition a appelé ses partisans à manifester et bloquer les principales routes du pays dimanche, jour du vote pour élire l'Assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution.

Ce scrutin est jugé «illégitime» par les opposants, qui accusent le président socialiste de vouloir étendre son pouvoir et prolonger son mandat. Ils ont déjà étendu leur appel à protester à la semaine prochaine.

«Cette lutte a commencé avant la Constituante et elle ne peut pas ralentir à cause de la Constituante», a estimé le député de l'opposition Freddy Guevara, qui dans un tweet a aussi appelé samedi ses partisans à «se rebeller» dimanche.

L'objectif est «le changement de gouvernement», a martelé de son côté Henrique Capriles, l'un des principaux dirigeants de la coalition de l'opposition Table pour l'unité démocratique (MUD), qui a la majorité au Parlement.

Quelques poignées d'irréductibles défiaient l'interdiction de manifester décrétée par les autorités, pourtant assortie de la menace de 5 à 10 ans de prison.

Épicentres des manifestations qui ont fait 113 morts depuis quatre mois, les quartiers est et ouest de la capitale Caracas, étaient les seuls à avoir encore des rues obstruées par des barricades samedi.

«On ne va pas démonter (la barricade). Je suis ici parce que ma mère est morte d'un cancer faute de médicaments», déclarait à l'AFP Endderson, rencontré dans le quartier de Chacao (est), bastion de l'opposition.

Carte maîtresse

L'opposition ne participera pas à l'élection de dimanche. Selon elle, il s'agit d'une «fraude» visant à permettre au président Maduro - dont le mandat est censé s'achever en 2019 - de se cramponner au pouvoir en contournant le Parlement et l'élection présidentielle prévue fin 2018.

Le président a répété vendredi qu'il ne céderait pas sur l'Assemblée constituante. «Il nous reste une carte à jouer, la carte qui va gagner à ce jeu et cette carte c'est l'Assemblée nationale constituante», a-t-il déclaré en assurant que cette future assemblée apportera la paix et la stabilité économique au pays.

«Demain (dimanche) on va faire passer un message implacable: notre peuple veut la démocratie, la paix et le dialogue», a déclaré samedi à la presse Hector Rodriguez, chef du comité de campagne du clan Maduro, précisant que 99% des bureaux de vote étaient prêts.

Le Conseil électoral national (CNE) a assoupli les possibilités de voter, permettant aux électeurs de se présenter dans n'importe quel bureau de leur commune.

Selon des analystes, le gouvernement mobilise ses bases contre l'abstention alors que l'opposition a affiché 7,6 millions de votants opposés au projet lors du référendum symbolique qu'elle avait organisé le 16 juillet.

Quelque 70% des Vénézuéliens sont opposés à la Constituante, selon l'institut de sondage Datanalisis.

La nouvelle Assemblée, dont la durée du mandat n'est pas définie, doit compter 545 membres élus selon un système combinant un vote territorial et par catégories socioprofessionnelles.

Ce système pourrait permettre à 62% des 19,8 millions d'électeurs de voter au moins deux fois, soulevant des interrogations sur la validité du résultat et des chiffres de participation alors qu'aucun observateur étranger ne sera présent, souligne un analyste, Eugenio Martinez.

Appel de Zapatero au dialogue

Très impliqué dans la crise vénézuélienne, l'ancien Premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero a appelé au dialogue dans un communiqué envoyé samedi à l'AFP, mais les positions des parties restent figées.

À la veille d'un scrutin sous haute tension, beaucoup faisaient des provisions dans l'incertitude des jours à venir. «Mieux vaut se préparer», explique à l'AFP Maximiliano, 34 ans.

Dans la foulée d'une grève générale de 48 heures qui a fait huit morts mercredi et jeudi, les craintes d'un conflit ouvert ont aussi poussé des milliers de Vénézuéliens à partir en Colombie.

Dans le même temps, la pression internationale s'accentuait sur Caracas, après les sanctions américaines de mercredi contre 13 anciens et actuels responsables gouvernementaux.

Le vice-président américain Mike Pence a parlé vendredi au téléphone avec Leopoldo Lopez, un opposant vénézuélien emblématique assigné à résidence à Caracas depuis sa sortie de prison début juillet.

Marquant implicitement son soutien à l'opposition, M. Pence a appelé à «la libération sans condition de tous les prisonniers politiques au Venezuela, des élections libres et équitables, la restauration de l'Assemblée nationale et le respect des droits de l'homme», selon un communiqué.

Samedi, les compagnies aériennes espagnole Iberia et française Air France ont annoncé suspendre leur desserte de Caracas du 30 juillet au 1er août inclus, «en raison de la situation», après la décision de la compagnie colombienne Avianca de cesser ses activités dans le pays.