Le président vénézuélien Nicolas Maduro était pris en étau entre une grève générale de 48 heures qui a déjà fait un mort et des sanctions américaines, avant un week-end à haut risque avec l'élection prévue dimanche d'une Assemblée constituante contestée.

Sur le front diplomatique, les États-Unis ont annoncé mercredi des sanctions contre 13 actuels et anciens hauts responsables gouvernementaux vénézuéliens, dont «Tibisay Lucena Ramirez, président du Conseil national électoral» et «Elias Jose Jaua Milano, à la tête de la commission présidentielle pour l'Assemblée nationale constituante».

Ils voient leurs éventuels patrimoines et comptes bancaires gelés aux États-Unis et ils ne peuvent plus commercer avec des Américains. Le président Nicolas Maduro a rejeté cette «insolente» sanction.

La Table de l'unité démocratique (MUD), la coalition de l'opposition qui a déjà convoqué une grève générale de 24 heures la semaine dernière, organise depuis près de quatre mois des manifestations presque quotidiennes contre M. Maduro, dont elle réclame le départ. Au total, 104 personnes y ont été tuées.

Sur le terrain, un homme de 30 ans, Rafael Vergara, est mort mercredi «pendant une manifestation» à Ejida, dans l'État de Mérida (ouest), selon le ministère public, qui n'a pas précisé les circonstances de ce drame.

Alors que le mouvement devait se poursuivre toute la journée de jeudi, avant une grande manifestation vendredi, de nombreuses rues étaient bloquées, principalement dans le sud-est et l'est de la capitale vénézuélienne, bastions traditionnels de l'opposition. Des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont éclaté dans divers points du pays.

Il s'agit des derniers rebondissements d'une crise qui secoue le Venezuela depuis la victoire de l'opposition aux législatives, fin 2015.

«Finie la dictature !», pouvait-on lire sur des banderoles accrochées dès 6 h du matin à Caracas et dans d'autres villes.

«L'apathie, ça suffit»

«L'apathie, ça suffit... C'est toujours pire, avec les files d'attente et la pénurie. Je compte être en grève pendant 48 heures», a déclaré à l'AFP Maria Auxiliadora, qui vit dans le quartier cossu de Chacao.

Les antichavistes (du nom d'Hugo Chavez, président de 1999 à son décès en 2013, dont l'actuel chef de l'État Nicolas Maduro est l'héritier) contestent les modalités du scrutin de dimanche.

Ils voient dans ce projet de réécrire la Constitution un moyen pour M. Maduro de se cramponner au pouvoir, de contourner le Parlement élu, où l'opposition est majoritaire, et d'éviter l'élection présidentielle de fin 2018.

Quelque 70% des Vénézuéliens sont opposés à la mise en place d'une Assemblée constituante, selon l'institut de sondage Datanalisis.

À la veille de cette grève, des Vénézuéliens craignant de nouvelles violences avaient soit stocké des provisions, soit préféré quitter leur pays.

«Les élections ont lieu dimanche et on ne sait vraiment pas ce qui va se passer. Pour être plus en sécurité, on a préféré passer» de l'autre côté, en Colombie, a déclaré à l'AFP Maria de los Angeles Pichardo.

Le dirigeant de l'opposition Henrique Capriles a appelé les Vénézuéliens à «donner le tout pour le tout» au cours de la grève de mercredi et jeudi et de la marche de vendredi.

«Préoccupation» de l'UE 

Un autre chef des antichavistes, Leopoldo Lopez, sorti de prison le 8 juillet après trois ans et cinq mois de détention, mais assigné à résidence, a pour sa part exhorté l'armée, le principal soutien du président Maduro, à désavouer le projet de Constituante.

La procureure générale du Venezuela, Luisa Ortega, la figure de proue de la dissidence au sein du camp chaviste, a elle aussi appelé les citoyens à la mobilisation contre l'Assemblée constituante et dénoncé «les persécutions et les abus» du pouvoir.

Les principales centrales syndicales ont apporté leur soutien à la mobilisation organisée par l'opposition.

De son côté, le gouvernement contrôle la très stratégique industrie pétrolière et la fonction publique, qui compte près de trois millions de salariés.

Simultanément, la communauté internationale a accru ces derniers jours la pression sur Caracas.

La responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini a fait part mercredi de sa «préoccupation» sur les «violations des droits de l'Homme et l'usage excessif de la force» au Venezuela.

Treize pays de l'Organisation des États américains (OEA) ont enjoint Nicolas Maduro à renoncer à son projet d'Assemblée constituante.

Par ailleurs, une nouvelle compagnie aérienne, la Colombienne Avianca, a annoncé mercredi la suspension de ses opérations dans ce pays sud-américain toujours plus isolé.

Mais le chef de l'État vénézuélien, dont le mandat s'achève en janvier 2019, a réaffirmé sa détermination, sommant l'opposition de «respecter le droit du peuple à voter librement» et «sans violence».

Il a trouvé un soutien auprès des autorités cubaines, qui ont rejeté mercredi toute participation à une médiation au Venezuela, proche allié de l'île communiste, arguant de la légitimité du président Maduro.