Le président brésilien Michel Temer a sauvé son mandat de justesse vendredi, le tribunal qui s'était penché sur des accusations d'irrégularités dans la campagne électorale de 2014 lui ayant accordé un non-lieu par une étroite majorité.

Le vote dans la soirée du président du Tribunal Supérieur Electoral (TSE) Gilmar Mendes, le septième et dernier juge à s'exprimer à l'issue de quatre jours de débats marathon, a été décisif.

M. Temer, qui bat tous les records d'impopularité mais s'est dit déterminé à diriger le Brésil jusqu'au terme de sa présidence fin 2018, a ainsi pu sauver son mandat avec quatre voix pour et trois contre son maintien au pouvoir.

«Le président a accueilli la décision du TSE comme un signe que les institutions continuent à assurer le bon fonctionnement de la démocratie brésilienne», s'est félicité le porte-parole de la présidence, Alexandre Parola, louant une «décision indépendante» du tribunal.

«Il vaut mieux payer le prix d'un gouvernement mauvais et mal choisi que celui de l'instabilité du système», s'est justifié le juge Mendes. «Nous ne devons pas jouer aux apprentis-sorciers. Ceux qui veulent destituer le président ne doivent pas (... ) faire du tribunal leur instrument».

«Temer remporte la bataille, le TSE manque le coche», titrait un éditorial du site du journal O Globo.

Peu avant l'annonce de cette décision, le président Temer s'était montré défiant, alors que la probabilité de son maintien au pouvoir se renforçait.

Il a refusé de répondre à 82 questions écrites de la police fédérale et a demandé que soit classée l'enquête ouverte à son encontre par la Cour suprême (STF) pour corruption, ont annoncé ses avocats.

«Opéra-bouffe»

«Le président a été traité comme un acteur de seconde zone d'un opéra-bouffe mis en scène par un chef d'entreprise criminel et se retrouve maintenant visé par une enquête envahissante, arrogante et dénuée du moindre respect», dénonce un document virulent remis par sa défense au juge Edson Fachin.

Celui-ci est le rapporteur à la Cour suprême de l'opération «Lavage express», nom du gigantesque scandale de corruption autour du groupe pétrolier d'État Petrobras.

La plus haute juridiction brésilienne a ouvert à l'encontre du président Temer une enquête pour corruption passive et entrave à la justice après qu'il a été enregistré par Joesley Batista, un magnat de l'agroalimentaire, en train de donner son accord au versement de pots-de-vin à un homme politique emprisonné pour corruption.

Les délibérations du TSE, réuni depuis mardi à Brasilia, ont montré les fortes divisions des juges.

Ils s'étaient réunis pour décider d'invalider ou non l'élection de 2014, entachée d'accusations de financement illégal de la campagne qui a permis à M. Temer d'accéder à la vice-présidence, puis à la présidence l'an dernier après l'éviction brutale de Dilma Rousseff.

Le premier juge à voter, le rapporteur Herman Benjamin, avait eu des mots très durs pour M. Temer, du PMDB (centre droit).

«Je vote pour l'annulation du binôme présidentiel élu en 2014, en raison des abus mis en évidence dans l'enquête», avait-il dit, dénonçant avec force les financements illégaux des grandes compagnies brésiliennes lors de la campagne qui «suffisent à invalider le mandat» de M. Temer et de Mme Rousseff.

«Serein et confiant»

Elément déterminant, quatre juges sur sept avaient laissé entendre qu'ils ne prendraient pas en compte les preuves issues de témoignages de cadres du géant du BTP Odebrecht, accablantes pour M. Temer et pour Mme Rousseff.

Ces confessions explosives, obtenues en échange de remises de peine, ont permis de révéler le versement de millions de dollars de pots-de-vin aux caisses noires de partis politiques de tous bords, y compris ceux de la présidente et de son vice-président de l'époque.

Selon une source présidentielle, le chef de l'État n'a suivi les débats télévisés que de façon «sporadique» et est resté «serein et confiant».

Tout au long du jugement, il a affiché cette assurance, conforté par des signes d'embellie économique et promettant de «mener le gouvernement» jusqu'au terme de son mandat, le 31 décembre 2018.

Mais même si le TSE l'a absout, M. Temer doit faire face, outre l'enquête de la Cour suprême, aux nombreuses motions de destitution et à la menace de défection de ses partenaires de majorité du PSDB (centre droit).

Le PSDB, allié-clé qui dispose de quatre ministres au gouvernement, pourrait décider d'abandonner M. Temer au cours de la réunion de ses dirigeants lundi.