Le président vénézuélien Nicolas Maduro a ordonné mercredi le déploiement de 2600 militaires dans l'État de Tachira (ouest), après des pillages et des attaques, alors qu'il est confronté depuis début avril à une vague manifestations ayant fait un 43e mort.

«J'ai ordonné le transfert de 2000 soldats et 600 agents des opérations spéciales», a déclaré le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, à la télévision d'État VTV, précisant agir à la demande du président socialiste.

La veille, le chef de l'État avait une nouvelle fois prolongé l'état d'urgence économique, en vigueur depuis janvier 2016, qui lui permet de restreindre les «garanties» constitutionnelles et de prendre des mesures spéciales d'«ordre social, économique, politique et juridique».

Dans la nuit de mardi et mercredi, des dizaines de commerces ont été saccagés et deux commissariats incendiés à Tachira.

Des troubles agitent aussi d'autres régions du pays sud-américain, avec dans l'est de Caracas, à San Antonio Los Altos, des barricades montées par des manifestants encagoulés.

«Nous ne pouvons pas parler de manifestations. Il s'agit d'actions subversives (...) qui virent déjà à l'insurrection armée», a accusé le général Padrino Lopez.

«L'idée est de transformer le Venezuela en une Syrie et (l'État de) Tachira en un Alep», a-t-il ajouté, mais «nous n'allons pas permettre que la patrie verse dans la chaos». 

Crise sanitaire

Le Venezuela est secoué depuis le 1er avril par une vague de manifestations et de violences dont le bilan s'alourdit chaque jour, avec l'annonce mercredi d'un nouveau décès de manifestant, âgé de 15 ans.

Le total est désormais de 43 morts, autant que lors de la précédente grande série de protestations anti-Maduro, survenues entre février et mai 2014.

La colère populaire est alimentée par la profonde crise économique et sociale dans le pays pétrolier, ruiné par la chute des cours du brut et frappé par une forte pénurie d'aliments et médicaments, l'inflation la plus élevée au monde et une criminalité devenue incontrôlable.

Déterminée à obtenir le départ du président via des élections générales anticipées, l'opposition, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, ne faiblit pas et mobilise chaque jour des milliers de personnes.

Mercredi, ce sont les médecins, infirmières et autres professionnels de santé qui manifestaient en blouse blanche à Caracas, où devaient aussi défiler parallèlement des chavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013), derrière le chef de l'État.

Mot d'ordre des professionnels de santé: «Nous ne voulons pas d'armes, nous voulons des médicaments!».

Ils dénonçaient la crise sanitaire alors que la mortalité infantile et maternelle ont explosé en 2016, de 30% et 65% respectivement, tandis que les cas de paludisme ont bondi de 76,4%. La publication de ces chiffres alarmants la semaine dernière a entraîné le limogeage immédiat de la ministre de la Santé, Antonieta Caporale. 

«Campagne de persécution»

Deux manifestations d'opposants étaient également prévues dans la soirée à Caracas, en mémoire des victimes des précédents rassemblements, qui ont fait aussi des centaines de blessés. Selon l'ONG Foro Penal, 159 manifestants arrêtés ont été incarcérés sur décision de tribunaux militaires, procédé interdit par la Constitution.

Nicolas Maduro accuse les États-Unis de soutenir l'opposition pour mener un coup d'État au Venezuela, dénonçant une «campagne de persécution». «Nous sommes les nouveaux juifs du XXIe siècle», a lancé le chef de l'État, dont sept habitants sur dix souhaitent le départ avant la fin de son mandat en décembre 2018.

La confédération des associations israélites vénézuéliennes (CAIV) a rejeté cette comparaison.

L'opposition appelle encore à manifester jeudi, en direction du ministère de l'Intérieur à Caracas, puis à des défilés dans tout le pays samedi.

La dégradation de la situation au Venezuela continue d'inquiéter la communauté internationale et mercredi, le Conseil de sécurité de l'ONU a abordé le sujet pour la première fois, à la demande de Washington.

Au cours de la réunion, les États-Unis ont mis en garde les Nations unies contre le risque que cette crise ne dégénère en un conflit d'envergure similaire à la situation en Syrie ou au Soudan du Sud.

De son côté, la région reste partagée: tandis que le Brésil a annoncé mercredi le retour de son ambassadeur à Caracas après neuf mois d'absence comme «signe de bonne volonté» en faveur du dialogue, la Colombie a, elle, écarté «pour le moment» le retour du sien, rappelé pour consultations fin mars.