Le Brésil a été condamné par la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme pour l'impunité de policiers impliqués dans deux massacres perpétrés dans une favela de Rio dans les années 1990, une décision saluée par des ONG luttant contre la violence des forces de l'ordre.

«C'est une sentence historique, qui fait porter pour la première fois aux autorités judiciaires la responsabilité d'une violence policière dont les chiffres s'apparentent à ceux de conflits armés», se félicite Beatriz Affonso, directrice du programme pour le Brésil du Centre pour la justice et le droit international (CEJI).

En partenariat avec d'autres organisations, le CEJI avait saisi la Cour interaméricaine pour dénoncer notamment l'absence d'enquête impartiale au sujet d'opérations policières ayant fait au total 26 morts dans la favela de Nova Brasilia, dans les quartiers nord de Rio de Janeiro, 13 le 18 octobre 1994 et 13 le 8 mai 1995.

Dans sa sentence rendue publique vendredi, la Cour, qui siège à San José, au Costa Rica, a critiqué la «lenteur injustifiée» de l'enquête et la «situation d'incertitude des familles de victimes», alors que les autorités ont classé l'affaire sans suite en 2009.

Au moment du premier massacre, les policiers ont aussi été accusés de torture et du viol de trois jeunes filles, dont deux mineures.

«Après 22 ans d'attente, ces massacres sont enfin reconnus. C'est une grande avancée pour nous. Avant, les procès n'avançaient pas et finissaient par être classés. Cette impunité est une grande souffrance, notre douleur n'a pas été respectée», souligne Teresa de Cassia, soeur d'un des jeunes tués en 1995.

Bruna Fonseca da Costa, qui a aussi perdu son frère, raconte même que les cercueils de plusieurs victimes n'ont pu être ouverts pour la veillée funêbre parce que les visages étaient méconnaissables.

«Mon frère a été tué d'une balle dans la nuque et une autre dans le dos. J'ai su qu'un autre a reçu plusieurs balles dans le visage. C'étaient des exécutions sommaires», dénonce-t-elle.

La décision de la Cour interaméricaine stipule que le Brésil doit rouvrir les enquêtes, notamment en ce qui concerne les viols, ainsi que publier un rapport annuel des morts recensées lors d'opérations policières.

Des indemnisations financières des victimes sont aussi prévues, ainsi que l'installation d'une plaque commémorative avec les noms des victimes sur les lieux des massacres.

«Cette décision peut changer la stratégie de lutte contre la violence au Brésil, en créant un précédent pour faire pression sur le gouvernement», espère Marisa Vassamon, directrice des campagnes d'Amnesty International au Brésil.

Selon Amnesty, le nombre de morts liées à des opérations policières à Rio a bondi de 416 en 2013 à 920 en 2016.

La ville, qui a reçu les jeux Olympiques il y a huit mois, a connu une flambée de violence ces dernières semaines, lors d'interventions musclées de la police sur fond de guerre des gangs, avec notamment plusieurs enfants tués par des balles perdues.