Des incidents ont éclaté jeudi au Venezuela entre les forces de l'ordre et les étudiants qui manifestaient contre le président socialiste Nicolas Maduro, alors qu'une trentaine de personnes ont perdu la vie depuis début avril lors de ces protestations.

Trente-cinq personnes sont décédées et 717 ont été blessées depuis le début de la vague de protestation le 1er avril, selon le dernier bilan du parquet.

Des heurts se sont produits à Caracas, alors qu'un cortège de centaines de personnes, les mains en l'air, est parti de l'Université centrale du Venezuela (UCV), principale institution publique d'enseignement supérieur du pays, a constaté l'AFP.

À peine sortis du campus, ils ont été bloqués par les forces de l'ordre et des camions antiémeutes équipés de barrières. Rapidement, la garde nationale a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser les jeunes, dont certains répondaient avec des pierres et des cocktails Molotov.

«On est des étudiants, pas des terroristes!», scandaient les manifestants.

Plusieurs défilés se sont déroulés jeudi à partir de centres universitaires dans divers points du pays.

Dans le nord du Venezuela, un leader étudiant a été tué lors d'une assemblée générale dans son université, selon le parquet, qui a fait état de trois autres personnes blessées.

José Lopez Manjares, 33 ans, «se trouvait dans une assemblée étudiante. À la fin, un des participants s'est approché et lui a tiré dessus à plusieurs reprises. Il a ensuite fui à moto», a annoncé le ministère public.

À Valencia, une ville située à 160 kilomètres à l'ouest de Caracas, des commerces et une brasserie ont été mis à sac et cinq personnes au moins ont été blessées, dont une gravement, selon un journaliste de l'AFP.

«Le chemin de la paix»

Plus tôt dans la capitale, un autre groupe d'étudiants s'est rendu à la Conférence épiscopale vénézuélienne pour remettre un message à l'Eglise et au pape François, qui a fait part de sa préoccupation à cause des violences.

«Le message au pape: on nous tue, c'est une dictature. Que l'Église rejoigne les mobilisations et voyons si la dictature ose réprimer l'Église», a expliqué Santiago Acosta, de l'université catholique Andrés Bello.

Huit pays d'Amérique latine, l'Argentine, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique et le Paraguay, ont déploré la «recrudescence de la violence».

S'élevant également contre «la violence et la répression», le chef d'orchestre vénézuélien Gustavo Dudamel a appelé Nicolas Maduro à «écouter la voix du peuple».

L'opposition de centre droit, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, et le gouvernement socialiste s'accusent mutuellement des violences.

«Si nous étions violents, nous aurions déjà fait tomber le gouvernement», a fait valoir dans un entretien exclusif à l'AFP le chef de l'opposition vénézuélienne Henrique Capriles, estimant que M. Maduro jouait ses «dernières cartes».

L'opposition a convoqué une marche des femmes pour samedi. Vêtues de blanc, elles ont prévu de se diriger vers le ministère de l'Intérieur et de la Justice, au centre de Caracas.

«C'est le chemin de la paix, de la réconciliation du Venezuela», a déclaré jeudi Nicolas Maduro, qui veut convoquer une assemblée constituante - une manoeuvre, selon l'opposition, destinée à repousser les élections et à s'accrocher au pouvoir.

«C'est une bataille complexe, mais personne ne va nous voler notre patrie», a-t-il ajouté lors d'une intervention télévisée.

En face, le Parlement vénézuélien, seul pouvoir public contrôlé par l'opposition, a formellement présenté jeudi à l'Organisation des États américains (OEA), à Washington, son refus de quitter l'organisation, contrairement à ce qu'a décidé le président Maduro.

«Dialoguer et négocier»

«Il est temps de dialoguer et négocier», a plaidé la procureure générale de la Nation, Luisa Ortega, dans un entretien au Wall Street Journal.

Seule voix discordante au sein du camp présidentiel, elle critique aussi la décision de M. Maduro de modifier la Constitution.

Le président Maduro a remis mercredi au Conseil national électoral le décret convoquant l'assemblée constituante, qui aura pour mission de rédiger une nouvelle Constitution afin de remplacer celle de 1999.

Selon lui, l'élection des 500 membres de cette assemblée, dont la moitié seront élus ou désignés par différents secteurs de la société (syndicats, minorités sexuelles, retraités, etc), se fera «dans les prochaines semaines».

Si M. Maduro n'a pas encore détaillé les changements exacts qu'il souhaitait introduire dans la Constitution, ses adversaires redoutent le pire, d'autant que l'assemblée constituante pourrait bousculer le calendrier électoral: des municipales sont programmées pour 2017, avant la présidentielle de fin 2018.

Or, toute échéance électorale apparaît risquée pour le chef de l'État. Dans ce pays pétrolier dont l'économie s'est effondrée avec la chute des cours du brut, l'inflation est devenue incontrôlable et la majeure partie des aliments et des médicaments font défaut.

En colère, sept Vénézuéliens sur 10 souhaitent le départ immédiat de Nicolas Maduro, élu en 2013 après le décès de Hugo Chavez.