Les opposants au président vénézuélien bloquaient mardi les routes pour protester contre le projet de nouvelle Constitution annoncé par Nicolas Maduro, qui approfondit la crise secouant ce pays sud-américain.

Cette annonce-choc du chef de l'État socialiste, intervenue un mois pile après le début de la vague de manifestations où des violences ont fait 28 morts, est perçue par les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013) comme une provocation de plus.

Dès l'aube mardi, les manifestants bloquaient les axes majeurs à travers le pays et dans la capitale.

«Cette constituante annoncée par Maduro est une manipulation pour éviter des élections», a déclaré à l'AFP Raul Hernandez, un étudiant de 22 ans qui bloquait avec une centaine de personnes l'avenue Francisco de Miranda, une des principales artères de Caracas.

«Pour un Venezuela libre», pouvait-on lire sur la banderole soutenue par le jeune homme.

Dans l'est de la capitale, des concerts de casseroles et de klaxons accompagnaient la mise en place de barricades faites de poubelles, d'arbres et de divers objets, a constaté l'AFP.

Tandis que l'opposition préparait une «méga» manifestation pour mercredi, le Parlement, seule institution qu'elle contrôle, devait discuter mardi des conséquences de la décision de M. Maduro et des réponses à y apporter.

«Nous devons aller de l'avant. Ce peuple ne se rend pas et ne va pas se rendre», a assuré le président de l'Assemblée nationale, Julio Borges.

«Huile sur le feu»

Le président a en effet annoncé lundi, devant plusieurs milliers de partisans rassemblés dans le centre de Caracas à l'occasion de la Fête du travail du 1er mai, la convocation d'une assemblée chargée de rédiger une nouvelle Constitution pour remplacer celle de 1999.

Il s'agira selon lui d'une assemblée constituante «populaire, citoyenne, ouvrière», d'une «constituante du peuple» et non «des partis politiques».

«C'est jeter de l'huile sur le feu», a réagi lundi soir la chef de la diplomatie argentine Susana Malcorra.

«C'est une mesure désespérée d'un gouvernement qui ne peut pas convoquer des élections, car il les perdrait», a estimé l'analyste Diego Moya-Ocampos, du cabinet britannique IHS, qui rappelle que plus de 70 % des Vénézuéliens rejettent le gouvernement de Maduro, selon les sondages.

Au même moment se déroulaient dans d'autres quartiers de la capitale, ainsi que dans d'autres villes, de nouvelles manifestations appelant au départ de M. Maduro et à des élections anticipées. Elles ont comme chaque fois été marquées par des affrontements entre manifestants et forces de sécurité.

Selon le président socialiste, une partie des 500 membres de l'assemblée seront élus par divers secteurs de la société et ainsi les retraités, les minorités sexuelles ou les handicapés notamment y auront leurs représentants.

Les autres membres «seront élus selon un système territorial avec un caractère municipal et local», a dit M. Maduro.

La nouvelle Constitution remplacerait celle de 1999, adoptée à l'initiative de Hugo Chavez, mentor de M. Maduro, et rédigée par 131 constituants élus au suffrage direct, universel et secret, puis approuvée par référendum.

Calendrier électoral bousculé ?

L'opposition a immédiatement rejeté cette initiative, estimant qu'il s'agissait de la poursuite du «coup d'État» mené selon elle par le camp présidentiel contre le Parlement d'opposition.

Le chef de l'État n'a pas précisé si cette constituante pourrait bousculer le calendrier électoral: outre les élections régionales prévues en 2016, mais reportées, des municipales sont programmées en 2017, avant la présidentielle fin 2018.

L'opposition, qui avait conquis le Parlement lors des élections législatives de décembre 2015, accuse le pouvoir de «coup de force» depuis que, fin mars, le Tribunal suprême de justice (TSJ, Cour suprême) a supprimé l'immunité des députés et s'est arrogé leurs pouvoirs.

Devant le tollé international, le TSJ a dû faire marche arrière. Mais son initiative a déclenché une vague de manifestations au cours desquelles 28 personnes ont été tuées depuis le 1er avril, selon le parquet.

Après son annonce, M. Maduro a réuni ses ministres et les chefs des forces armées au palais présidentiel de Miraflores. Il a signé le décret convoquant l'assemblée constituante et a annoncé sans autre précision «de nouvelles formes de démocratie participative».