Onze personnes sont décédées à Caracas lors des troubles qui ont éclaté dans la nuit de jeudi à vendredi, a annoncé le parquet vénézuélien, ce qui porte à 20 le nombre de morts de la vague de manifestations démarrée début avril contre le président Nicolas Maduro.

Dans un communiqué, le parquet a annoncé «la mort de 11 personnes», certaines électrocutées et d'autres tuées par balle, ajoutant que six ont également été blessées «lors des faits de violence survenus» dans le quartier de El Valle, dans le sud-ouest de la capitale.

Le Venezuela est secoué depuis le 1er avril par une vague de manifestations de l'opposition, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, qui exige le départ du président socialiste Nicolas Maduro, très impopulaire dans ce pays pétrolier plongé en profonde crise politique et économique.

Déterminée à poursuivre les manifestations jusqu'à obtenir des élections anticipées, l'opposition a convoqué pour samedi une «marche du silence» vers les sièges de l'épiscopat vénézuélien dans tout le pays et pour lundi un «blocage national» des routes.

«Une guerre»

Ces défilés tournent souvent à l'affrontement entre manifestants et forces de l'ordre, qui échangent tirs de gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc contre jets de pierres et cocktails Molotov. Outre les neuf morts, environ 600 personnes ont été arrêtées depuis début avril, selon l'ONG Foro Penal.

Violences et pillages ont marqué la nuit de jeudi à vendredi à Caracas, après deux journées consécutives de vastes protestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes.

Rien que jeudi, les violences autour des manifestations ont fait trois morts et vendredi, des incidents ont eu lieu à Caracas ainsi qu'à Maracaibo (nord-ouest), Valencia (nord) et San Cristobal (ouest).

Dans la capitale, des désordres et tentatives de pillage ont suivi les manifestations dans une dizaine de secteurs situés dans l'ouest, surtout à El Valle. Des images tournées par des habitants de ce quartier ont montré un véhicule anti-émeutes partiellement incendié par des cocktails Molotov.

«On aurait dit une guerre. Les militaires et la police lançaient des gaz (lacrymogènes, NDLR), des civils armés tiraient sur les bâtiments. Avec ma famille on s'est jeté par terre. C'était horrible. On a réussi à dormir jusqu'à ce que ça se termine, vers trois heures du matin», a raconté à l'AFP Carlos Yanez, habitant de 33 ans d'El Valle.

«Le pays est calme»

L'évacuation de 54 bébés d'une maternité d'El Valle pendant les affrontements a suscité une controverse entre les deux camps.

Le gouvernement a accusé «des bandes armées engagées par l'opposition» d'avoir «attaqué» l'établissement. L'opposition a rétorqué que les nouveaux-nés avaient dû être placés en lieu sûr car ils étaient «très affectés» par les tirs de grenades lacrymogènes des forces de l'ordre.

Pour l'exécutif, c'est l'opposition qui fomente les violences. «Ces délinquants veulent faire croire que le Venezuela est dans le chaos, le pays est calme», a déclaré Freddy Bernal, un dirigeant du parti socialiste au pouvoir.

Dans le camp anti-Maduro, on dénonce au contraire la répression des forces de l'ordre : «Ne lancez plus de bombes, s'il vous plaît», a crié jeudi un manifestant nu qui s'était juché sur un véhicule blindé militaire, à travers un nuage de gaz lacrymogène.

Jeudi, l'Union européenne a condamné les violences «très regrettables» survenues pendant les manifestations tandis que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a demandé «que tous les efforts soient faits pour réduire les tensions et empêcher de nouveaux affrontements».

Neuf pays latino-américains ont jugé, dans un communiqué commun, «urgent que les autorités vénézuéliennes prennent des mesures pour garantir les droits fondamentaux et préserver la paix sociale».

M. Maduro, qui dénonce un «coup d'État terroriste» fomenté selon lui par les États-Unis - une accusation rejetée par Washington - a renforcé ces derniers jours la présence policière et de l'armée qui lui a apporté son soutien «inconditionnel».

Alors que son mandat court jusqu'à fin 2018, sept Vénézuéliens sur dix souhaitent son départ immédiat, selon un sondage Venebarometro.

La précédente vague de manifestations ayant secoué le Venezuela en 2014 avait fait 43 morts, selon le bilan officiel.