Opposants et partisans du président socialiste Nicolas Maduro se mobilisent jeudi dans un climat de forte tension au Venezuela, faisant craindre de nouvelles violences après les heurts des derniers jours.

En milieu de journée, les anti-chavistes (du nom de l'ancien président Hugo Chavez, 1999-2013) commençaient à se rassembler en divers points de Caracas, avant de marcher sur l'autoroute principale de Caracas, au niveau du quartier cossu d'Altamira.

Une forte présence policière était visible dans la capitale, où 16 stations de métro étaient fermées, tandis que les forces de l'ordre avaient dressé des barrages au niveau des accès à la ville.

«À nouveau, ces corrompus proches de Maduro bloquent les accès à Caracas. Stations de métro fermées», a dénoncé sur Twitter le dirigeant de l'opposition Henrique Capriles.

Le pays sud-américain, qui s'est effondré économiquement avec la chute des cours du pétrole - sa principale richesse -, est déchiré par une profonde crise politique depuis la victoire historique de l'opposition de centre droit aux législatives de fin 2015.

La situation s'est enflammée ces derniers jours, quand la Cour suprême, réputée proche du président Maduro, s'est brièvement arrogée les pouvoirs du Parlement, déclenchant un tollé international qui l'a poussée à faire machine arrière 48 heures plus tard.

L'opposition, réunie dans une vaste coalition, la MUD (Table pour l'unité démocratique), crie à la tentative de coup d'État et espère mobiliser ses partisans en masse jeudi.

Mais s'ils avaient réussi par le passé à rassembler des centaines de milliers de manifestants, les anti-chavistes peinent désormais à mobiliser une population qui semble quelque peu découragée et plutôt accaparée par les soucis du quotidien.

«Nous appelons le peuple (à descendre) dans la rue pour soutenir l'exigence de destitution des magistrats» de la Cour suprême, a déclaré le vice-président de l'Assemblée, Freddy Guevara, en référence à l'autre offensive lancée mercredi par le Parlement, qui veut écarter les juges de cette institution, accusés d'avoir tenté un «coup d'État».

Cette initiative a toutefois peu de chances d'aboutir: hormis l'Assemblée, le chavisme contrôle toutes les institutions au Venezuela. Et depuis janvier 2016, la Cour suprême a réussi à faire annuler toutes ses décisions.

Blessé par balle

Dans ce pays, l'un des plus violents au monde et où de vastes manifestations en 2014 avaient fait 43 morts officiellement, l'impasse politique fait craindre que la situation dégénère dans la rue. Le Venezuela a connu trois tentatives de coup d'État depuis 1992.

Mardi, fait assez rare ces derniers mois, un manifestant a reçu une balle dans la jambe à Caracas, sans que l'origine du tir ait été déterminée. Les heurts entre antichavistes et policiers, à coup de bombes lacrymogènes et jets d'eau, ont fait selon l'opposition une cinquantaine de blessés.

Autre signe de la crispation ambiante, mercredi à San Cristobal (ouest) et Valencia (nord), des manifestations ont fait 35 blessés lors d'affrontements entre étudiants et forces de l'ordre, selon l'AFP et la direction des universités.

Du côté du Parlement, ce sont les partisans de Maduro qui défileront pour dénoncer le «coup d'État parlementaire» fomenté selon eux par les députés qui veulent écarter les juges de la Cour suprême.

«Vous pouvez crier fort ou pas, être violents, appeler à des manifestations violentes ou à liquider des magistrats, mais vous ne pouvez par les destituer sans violer la Constitution», a lancé mercredi le chef du groupe chaviste à l'Assemblée, Héctor Rodriguez.

Mais dans le clan Maduro, les premières fissures sont apparues la semaine dernière, quand Luisa Ortega, chef du parquet au niveau national  et considérée comme affiliée au camp présidentiel, a osé dénoncer à voix haute une «rupture de l'ordre constitutionnel».

«Maduro ne peut pas dire maintenant qu'il est sûr de tous les soutiens qu'il a dans la structure du pouvoir, y compris dans les forces armées», son allié traditionnel, observe le politologue Luis Salamanca.

Très impopulaire en raison de la crise économique et soumis à une importante pression internationale, le chef de l'État de 54 ans refuse d'organiser des élections anticipées comme l'exige l'opposition, et entend rester au pouvoir jusqu'au prochain scrutin, prévu en décembre 2018.