Les récents attentats de l'ELN, dernière guérilla active de Colombie, font pression sur le dialogue ouvert avec le gouvernement pour clore plus de 52 ans de guerre, menaçant le processus de paix global après l'accord avec les FARC.

L'Armée de libération nationale (ELN, guévariste) a revendiqué un attentat à l'explosif dans lequel 26 policiers ont été blessés, dont un mortellement, aux abords des arènes de Bogota, dans le quartier de La Macarena.

« Le 19 février [...], un commando guérillero urbain de l'ELN a attaqué avec des explosifs une patrouille de police », a écrit la rébellion dans un communiqué diffusé tard dimanche via le compte Twitter de sa radio @ELN-RANPAL.

Cette guérilla a aussi revendiqué une autre attaque à l'explosif dans laquelle deux soldats ont été blessés le 14 février dans l'est de la Colombie, et divers attentats contre l'oléoduc Caño Limon Coveñas.

Le gouvernement a averti lundi que ce type d'actions pouvait remettre en cause la possibilité d'un cessez-le-feu bilatéral que les deux parties négocient dans le cadre du dialogue de paix ouvert le 7 février en Équateur.

« Si l'ELN croit qu'avec des actes terroristes comme celui de La Macarena [pour lequel elle admet maintenant sa responsabilité avec beaucoup de cynisme], elle va faire pression pour un cessez-le-feu, elle se trompe grandement », a tweeté lundi le chef négociateur du gouvernement, Juan Camilo Restrepo.

« On parviendra à un cessez-le-feu lorsque l'ELN comprendra que l'on y arrive par une désescalade et non par une escalade du conflit », a-t-il estimé de Quito, où se déroulent les pourparlers.

Peu après, la guérilla s'est toutefois réjouie que « les réunions reprennent à cette heure [...] dans une bonne ambiance entre les parties », selon un nouveau tweet d'ELN RANPAL.

Pour l'analyste Frédéric Massé, le dialogue de paix est à « une croisée des chemins » : « Si le gouvernement quitte la table, cela se traduit par une rupture des négociations », mais « accéder à la revendication de l'ELN [...] serait lui faire une concession, se montrer très faible et la population ne comprendrait pas, n'accepterait pas une telle position du gouvernement ».

Risque non négligeable

Le président Juan Manuel Santos, prix Nobel de la Paix 2016, entend pacifier la Colombie et conclure avec l'ELN, issue d'une insurrection paysanne et inspirée de la révolution cubaine, un accord similaire à celui signé fin novembre avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), la plus ancienne et plus importante rébellion du pays.

Nées quelques mois avant l'ELN en 1964, les FARC ont terminé ce week-end de se regrouper dans 26 zones prédéfinies où leurs près de 7000 guérilleros vont déposer les armes.

Des experts et des ONG ont averti du danger que représente ce vide laissé par les FARC en plusieurs lieux, dont d'autres groupes armés pourraient se disputer le contrôle.

« Il y a un risque, qui n'est pas négligeable, que la guerre dans certaines régions reprenne le dessus et que l'ELN se renforce, en association ou non avec d'autres groupes, BaCrim [bandes criminelles, NDLR] ou dissidents des FARC » et que cela « finisse par affaiblir le processus avec les FARC », a ajouté M. Massé, politologue de l'université El Externado de Bogota.

Dimanche, l'ELN a de nouveau appelé à une trêve, hypothèse écartée par M. Santos qui estime que cela renforcerait cette rébellion forte encore de quelque 1500 combattants armés.

Selon elle, « ce n'est pas cohérent de la part du gouvernement de s'asseoir pour parler de paix tout en retardant le cessez-le-feu bilatéral et en soumettant la population ainsi que les parties qui s'affrontent à la souffrance de la guerre ».

Le 16 février, ELN et gouvernement s'étaient pourtant dits disposés à parvenir le plus vite possible à un cessez-le-feu. L'objectif est de « prendre des mesures communes bilatérales afin de réduire l'intensité du conflit », avait déclaré Pablo Beltran, chef négociateur de l'ELN, ajoutant : « Nous allons commencer à rechercher un cessez-le-feu bilatéral ».

Au fil des décennies, le conflit a impliqué une trentaine de guérillas, des paramilitaires d'extrême-droite et les forces armées, faisant au moins 260 000 morts, plus de 60 000 disparus et 6,9 millions de déplacés.