Le président Enrique Peña Nieto, déterminé à refuser de se voir imposer des conditions par Washington, s'apprêtait jeudi à recevoir à Mexico le secrétaire d'État américain Rex Tillerson pour dialoguer de manière «constructive» sur l'immigration, le mur frontalier et le commerce.

Son ministre des Affaires étrangères, Luis Videgaray, qui avait organisé la visite de Donald Trump à Mexico fin août et pilote désormais le dialogue bilatéral, a haussé le ton mercredi, quelques heures avant l'arrivée de M. Tillerson et du secrétaire américain à la Sécurité intérieure John Kelly.

«Je veux dire clairement, de la façon la plus emphatique qui soit, que le gouvernement du Mexique et le peuple mexicain n'ont pas à accepter des dispositions qu'un gouvernement veut imposer de manière unilatérale à un autre», a-t-il asséné en référence aux mesures sévères annoncées mardi contre l'immigration illégale.

Après une réunion mercredi soir avec les ministres de la Défense et de la Marine, MM. Tillerson et Kelly rencontreront aujourd'hui les responsables de l'Intérieur et des Finances, puis en milieu de journée le président Peña Nieto, qui avait annulé sa visite à Washington fin janvier face à l'insistance de M. Trump à vouloir faire payer au Mexique le mur à la frontière des deux pays.

Peu avant leur rencontre avec le président mexicain, les deux émissaires de M. Trump devaient s'exprimer devant la presse.

Depuis son arrivée à la Maison-Blanche il y a un mois, M. Trump, par son style et sa politique migratoire et commerciale, a déclenché la pire crise diplomatique entre les deux pays depuis des décennies.

Le magnat de l'immobilier, qui avait qualifié les migrants mexicains de «délinquants» et de «violeurs», a lancé le projet de construction d'un mur à la frontière promis durant sa campagne et menacé de le faire financer en ponctionnant les envois d'argent à leur famille des Mexicains vivant aux États-Unis.

M. Trump s'est par ailleurs engagé à renégocier, voire abroger, l'accord de libre-échange nord-américain ALENA, trop favorable selon lui aux intérêts du Mexique.

Une renégociation à haut risque pour l'économie mexicaine - aux exportations orientées à 80% vers les États-Unis - et dont le peso a lourdement chuté au cours des derniers mois pour atteindre son plus bas historique.

Dispositions unilatérales

S'efforçant de faire baisser la tension, les deux capitales ont assuré avoir entamé un «dialogue constructif» depuis la visite de Luis Videgaray il y a deux semaines à Washington, où il a rencontré M. Tillerson.

«Il est notable que le président envoie ces ministres au Mexique si tôt dans son mandat. C'est symbolique de la relation significative qui unit nos deux nations», a déclaré mercredi à Washington le porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer.

La mission est délicate pour le discret nouveau secrétaire d'État américain, qui effectue là son deuxième voyage à l'étranger.

Selon Maureen Meyer, experte auprès de l'Organisation américaine de défense des droits de l'Homme WOLA, M. Tillerson a «une opportunité d'établir des relations davantage basées sur le respect mutuel».

«Nous sommes un grand allié pour lutter contre les migrations, le trafic de drogues», a insisté de son côté le ministre mexicain de l'Économie Ildefonso Guajardo dans une interview samedi au quotidien The Globe and Mail.

«Si à un moment la relation est malmenée, les motivations pour que le peuple mexicain poursuive sa collaboration sur ces questions au coeur de la sécurité diminueront», a-t-il déclaré.

«Nous n'accepterons pas d'être le patio à l'arrière des États-Unis», où le président américain pourra expulser «qui bon lui semble», a déclaré jeudi à l'AFP le sénateur mexicain Fernando Herrera du parti conservateur mexicain (PAN), qui élabore actuellement un décret pour fixer les limites de la négociation avec les États-Unis.

Accusé de faiblesse par l'opposition de gauche, le gouvernement mexicain se retrouve également sous la pression de la rue après les propos incendiaires de M. Trump, qui ont suscité un regain de fierté nationale dans tout le pays.

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes du Mexique, il y a dix jours, pour dénoncer les projets de mur frontalier, mais aussi appeler M. Peña Nieto à plus de fermeté face à M. Trump.