L'ex-présidente argentine Cristina Kirchner a été inculpée mardi dans une affaire de marchés publics truqués, nouvel épisode des ennuis judiciaires de plusieurs figures de la gauche latino-américaine, comme l'ancien dirigeant brésilien Lula.

Au pouvoir de 2007 à 2015 et déjà inculpée cette année dans une affaire de spéculation sur les taux de change, Cristina Kirchner, 63 ans, est cette fois soupçonnée d'avoir favorisé un homme d'affaires dont elle est proche, Lazaro Baez, dans l'octroi de contrats de travaux publics dans la province de Santa Cruz, son fief politique en Patagonie, dans le sud de l'Argentine.

«Le juge Julian Ercolini a inculpé l'ex-présidente pour association illicite et administration frauduleuse. Il a ordonné le gel de ses biens de 10 milliards de pesos (850 millions de dollars, NDLR)», selon un communiqué du ministère de la Justice.

Outre l'ex-présidente, le juge a également inculpé le ministre de la Planification des années Kirchner, Julio de Vido, et l'ancien vice-ministre des Travaux publics José López, pris en juin en flagrant délit en train de dissimuler 9 millions de dollars en liquide dans un couvent.

Lazaro Baez, un chef d'entreprise du BTP, est emprisonné depuis avril pour enrichissement illicite. Proche de Nestor (président de 2003 à 2007) et Cristina Kirchner, il a remporté de nombreux marchés publics pendant les trois mandats du couple.

Le juge Ercolini souligne qu'une des sociétés de M. Baez, Austral, a raflé 78% des appels d'offres pour 2,2 milliards de dollars de marchés publics pendant la présidence de Mme Kirchner.

«Je ne suis ni amie ni associée de Baez», s'était défendue en octobre Cristina Kirchner, qui avait comparu devant le juge Ercolini.

Elle avait alors dénoncé «une formidable manoeuvre de persécution politique».

La gauche dans la tourmente

Avec Mme Kirchner, ce sont trois anciens présidents de gauche d'Amérique du Sud à avoir des démêlés avec la justice cette année, après Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) et Dilma Rousseff (2011-2016) au Brésil.

Lula, 71 ans, est poursuivi dans plusieurs volets de l'enquête judiciaire sur les détournements de fonds au sein du géant étatique pétrolier Petrobras, dont une partie a été reversée sous forme de pots-de-vin à des dizaines de parlementaires de son ancienne coalition.

Dilma Rousseff, 69 ans, a elle été destituée fin août au terme d'une procédure controversée pour maquillage des comptes publics.

Comme eux, Cristina Kirchner accuse ses opposants de vouloir l'écarter de la scène politique, alors que se profilent en octobre 2017 des élections législatives de mi-mandat.

Se défendant d'être intervenue dans l'attribution des marchés publics, l'ex-dirigeante argentine a demandé par écrit au juge l'abandon des poursuites.

De son côté, le président de centre droit Mauricio Macri, qui lui a succédé en décembre, a réclamé que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

Cristina Kirchner a pris du recul sur la vie politique depuis décembre et la fin de son second mandat. Mais elle conserve un capital politique et électoral conséquent et son éventuel retour aux affaires compliquerait la tâche de la coalition du président Macri.

Cristina Kirchner est la cible de plusieurs enquêtes de la justice argentine, notamment pour blanchiment d'argent et pour préjudice à l'État, après une opération de spéculation sur les taux de change réalisée par la Banque centrale lorsqu'elle était au pouvoir. Elle n'a, pour l'heure, pas été jugée.

Première dame puis élue à la tête de l'Argentine, elle avait imposé pendant ses deux mandats un style de confrontation avec le pouvoir économique et une politique sociale qui l'a rendue très populaire chez les plus démunis.