Trois jours après la mort de Fidel Castro, Cuba se prépare à une semaine de deuil national, alors que partout dans le monde, sa disparition continue de susciter des réactions. Le dégel des relations avec les États-Unis est en jeu, avec la transition en cours à la Maison-Blanche. La Havane devrait sortir de sa torpeur aujourd'hui, avec le coup d'envoi des cérémonies.

La première cérémonie en l'honneur du Comandante, mort vendredi à l'âge de 90 ans, a été programmée pour aujourd'hui sur l'emblématique place de la Révolution, à La Havane, dont les accès sont barrés par la police depuis samedi. Jusqu'ici, la capitale cubaine a été étrangement calme. Il régnait hier un épais silence dans les rues quasi désertes, même dans les zones les plus touristiques. Cela devrait changer aujourd'hui : « Ça ne va pas être grand, ça va être énorme, cela va être historique », a prédit Carlos Manuel Obregon Rodriguez, chauffeur de taxi de 43 ans qui se dit « Fidéliste ». Point culminant de ces célébrations, les funérailles du Comandante, personnage unique qui a tenu tête aux États-Unis, a forgé l'identité de cette île caribéenne et l'a fait entrer dans les livres d'histoire, se dérouleront dimanche prochain, le 4 décembre, à Santiago de Cuba, dans l'Est, berceau de la Révolution.

LA FUTURE ADMINISTRATION TRUMP ENTRETIENT LE FLOUProches et conseillers du président désigné Donald Trump multipliaient les déclarations hier, laissant planer un doute sur l'avenir du dégel avec Cuba amorcé à la fin de 2014 par Barack Obama. « Nous devons obtenir un meilleur accord », a lancé à la chaîne Fox le futur secrétaire général de la Maison-Blanche, Reince Priebus. La conseillère de Donald Trump, Kellyanne Conway, a aussi condamné l'administration Obama pour n'avoir « rien obtenu en retour » depuis le rétablissement des relations diplomatiques avec La Havane, à l'été 2015. « Le président Trump pourra rouvrir de nouvelles discussions avec Cuba, mais cela devra être avec un Cuba très différent », a martelé sur ABC cette proche du prochain président, rappelant « les victimes de la répression et les actes de torture de Fidel Castro ». Le milliardaire avait soutenu le rapprochement au début de 2015, mais une fois en campagne, il avait été plus sceptique.

RAÚL CASTRO, DÉSIGNÉ SUCCESSEUR... IL Y A 57 ANS« Si nos ennemis en viennent à m'éliminer, d'autres viendront derrière moi, encore plus radicaux », avait publiquement clamé Fidel Castro, en 1959, avant de désigner son jeune frère comme son successeur. Raúl Castro, 85 ans, va enfin assumer seul l'héritage du pouvoir qu'il a reçu de son grand frère Fidel. Pour beaucoup d'historiens, c'est cette inébranlable alliance entre Fidel et Raúl qui a valu à Cuba de survivre, non seulement aux attaques de « l'ennemi impérialiste » américain, comme ils l'appellent, mais aussi au lâchage d'un « grand frère soviétique » agonisant à la fin des années 80. Organisateur méticuleux, Raúl a procédé à la reconversion de l'armée en lui confiant des pans entiers de l'économie, première raison de la survie du régime dans les années 90. Puis, il a ouvert Cuba à une économie de marché en autorisant en 2011 les Cubains à vendre leurs voitures et leurs logements. Enfin, il a été l'artisan du rapprochement historique annoncé à la fin de 2014 avec les États-Unis, en adoptant une diplomatie plus pragmatique.

LES DISSIDENTS FONT UNE PAUSELes dissidents cubains ont suspendu leurs activités pour respecter le deuil décrété après la mort vendredi de Fidel Castro et éviter d'être accusés de « provocation ». Pour la première fois, les Dames en blanc ont renoncé à leur habituelle marche dominicale, en marque de « respect » du deuil national de neuf jours pour le Comandante. Au même moment, la dissidente Berta Soler ne cachait pas son aversion pour un homme qui n'a jamais hésité à employer la manière forte à l'endroit de ceux qu'il qualifiait de « traîtres », « mercenaires » et autres « parasites ». « On ne se réjouit pas de la mort d'un homme, d'un être humain, mais nous nous réjouissons de la mort des dictateurs, il faut la célébrer », a-t-elle assuré à l'AFP.

FIERTÉ DANS LE VILLAGE ESPAGNOL DES CASTROFidel Castro, honni ou adulé, peu importe pour Lancara. Dans ce village du nord de l'Espagne, berceau du père du Comandante, les habitants sont avant tout fiers d'être entrés dans l'Histoire. « On peut dire que c'est un dictateur, mais aussi que c'était un révolutionnaire. Mais c'est surtout une icône, le symbole d'une étape de l'Histoire, et ses origines sont ici, à Lancara », explique Manuel Fernandez, un retraité de 60 ans habitant ce hameau de 2700 âmes aux maisons dispersées sur les collines. Fidel Castro a visité la maison de son père le 28 juillet 1992, une petite bâtisse en pierre, avec le toit en pente des habitations de cette région très rurale de Galice, à quelque cinq heures de route de Madrid. Comme beaucoup dans cette Galice de paysans et de pêcheurs, Angel Castro est parti pour les Amériques à la charnière des XIXe et XXe siècles. Après un premier voyage entre 1895 et 1898, il est retourné à Cuba en 1905. Devenu propriétaire terrien, il s'y est marié à deux reprises. Il a eu cinq enfants avec sa première femme et sept avec sa deuxième, dont Fidel et Raúl.