Les Haïtiens ont voté dimanche sans incident majeur pour élire leur futur président ainsi que des députés et sénateurs, après une année de crise institutionnelle et un ouragan dévastateur en octobre.

À l'heure officielle de fermeture des bureaux de vote, 16h locales, quelques citoyens attendaient encore de voter mais la participation, certes en hausse par rapport aux scrutins annulés de 2015, n'a toutefois pas été très importante, malgré les enjeux de ces élections.

Les résultats officiels de ce 1er tour doivent être rendus publics le 29 décembre. Si aucun candidat à la présidence n'obtient plus de 50% des suffrages, un second tour est prévu le 29 janvier 2017.

Les rues de Port-au-Prince, habituellement encombrées par d'importants embouteillages, ont été désertées malgré la décision des autorités de ne pas interdire la circulation de véhicules comme lors des précédents scrutins.

Sous un ciel menaçant, les files d'attente se sont, dans l'après-midi, allongées devant certains bureaux de vote car les policiers présents en nombre fouillent les électeurs, avant de ne les laisser passer la barrière d'entrée que par groupe de dix.

Une fois leurs bulletins glissés dans les urnes en plastique transparent, sous la surveillance des agents électoraux, les électeurs repartent le pouce couvert d'encre indélébile, sécurité assurant qu'une personne ne peut voter plus d'une fois.

Dans la région des Cayes, la troisième ville du pays et lourdement affectée par l'ouragan Matthew début octobre, les habitants désireux d'exercer leur droit de vote n'ont pas été nombreux, a constaté un journaliste de l'AFP.

Parmi les 27 candidats à la présidence se détachent trois favoris: Jovenel Moïse, choisi par l'ancien chef de l'État Michel Martelly pour représenter son parti le PHTK (Parti haïtien Tèt kale), Jude Célestin sous la bannière de la Ligue alternative pour le progrès et l'émancipation haïtienne (Lapeh) et Maryse Narcisse, porte-parole de l'ancien président Aristide.

Vingt-cinq postes de députés sur 109 sont également en jeu ainsi que 16 sièges de sénateurs sur 30.

Ces scrutins avaient été organisés en octobre 2015 mais, à la suite de vives contestations de l'opposition d'alors, et devant les preuves de fraudes massives, les autorités ont décidé d'annuler l'élection et de reprendre le processus à zéro.

Cette annulation a empêché Michel Martelly, élu président en 2011, de transmettre le pouvoir à un successeur élu au suffrage universel le 7 février 2016 comme le veut la Constitution haïtienne.

Pour assurer l'intérim, le parlement a exceptionnellement élu en février Jocelerme Privert, alors président du Sénat, au poste de président provisoire.

Finalement programmé le 9 octobre, le premier tour de la présidentielle avait été à nouveau reporté en raison du passage dévastateur de l'ouragan Matthew sur la moitié sud du pays le 4 octobre.

Satisfaction des autorités

Avant la fermeture des bureaux de vote, les autorités électorales ont témoigné de leur satisfaction devant la bonne tenue des scrutins.

«Nous avons un sentiment de satisfaction par rapport à la façon dont la journée se déroule, sans violence, sans incidents graves ou perturbations de scrutin» a déclaré Léopold Berlanger, président du conseil électoral provisoire lors d'une conférence de presse.

La lassitude des habitants d'Haïti face au devenir politique de leur pays contraste avec une soif de participation de sa diaspora, comme le témoigne le chanteur Wyclef Jean.

«Nous avons des personnes formidables à travers le monde qui sont d'origine haïtienne et qui veulent revenir, s'impliquer mais ce qui arrive c'est qu'elles sont bloquées par les votes du parlement qui empêchent la diaspora de participer», regrette le chanteur qui vit aux États-Unis.

La diaspora haïtienne, estimée à plus de 3 millions de personnes, ne peut voter en dehors du territoire national et tout candidat à un poste électif dans le pays ne peut jouir d'une seconde nationalité, ce qui freine la participation politique des Haïtiens d'origine.

Pour cette reprise du processus électoral, des changements notables ont été effectués pour limiter les fraudes: de nouveaux isoloirs garantissant plus de discrétion ont été installés et les représentants des partis politiques sont identifiés avec une carte où figure cette fois-ci leur photo.

Les autorités ont fait leur possible pour rassurer la population et empêcher les violences comme celles qui avaient émaillé le premier tour des législatives en août 2015.

Tous les ports d'armes ont été suspendus dimanche et aucun véhicule n'a pu s'approcher à moins de 100 mètres d'un bureau de vote.

Plus de 9400 policiers nationaux ont été mobilisés à travers le pays, secondés par 1400 policiers de la mission de l'ONU en Haïti.