Le Parlement vénézuélien dominé par l'opposition lance mardi une procédure contre le président socialiste Nicolas Maduro, l'accusant d'être responsable de la crise qui frappe le pays, alors que débute un fragile dialogue entre gouvernement et certains opposants.

Le chef de l'État, convoqué à 15 h pour s'exprimer devant les députés qui l'accusent de « manquements au devoir de sa fonction », a prévenu qu'il ne s'y rendrait pas.

Les députés doivent débattre de « la rupture de l'ordre constitutionnel », selon l'agenda du Parlement, puis se prononcer sur la responsabilité du président. La coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, opposition) étant majoritaire à l'Assemblée nationale, le résultat fait peu de doute.

Mais dans ce pays aux institutions chancelantes, ce vote devrait en rester au stade du symbole. La procédure de destitution n'existant pas en tant que telle dans la Constitution vénézuélienne, soulignaient les juristes.

En outre, M. Maduro ne reconnaît plus le Parlement, et le Tribunal suprême de justice a déclaré que l'Assemblée nationale était en infraction, car trois députés soupçonnés de fraude y siègent.

« J'aimerais aller débattre à l'Assemblée nationale (...), mais je ne suis pas disposé à violer la Constitution ni à me soumettre à de faux procès ou une tentative de coup d'État », a déclaré le président lundi soir.

Nicolas Maduro est engagé dans un bras de fer avec le camp adverse depuis la victoire de l'opposition de centre droit aux législatives de fin 2015 qui a mis fin à 17 ans d'hégémonie du camp de l'ex-président Hugo Chavez (1999-2013) au Parlement.

Les antichavistes reprochent au président, héritier politique du défunt Hugo Chavez, d'avoir plongé ce pays producteur de pétrole dans une grave crise économique en n'ayant pas su prévoir la chute des cours du brut ni y réagir à temps.

L'inflation devrait atteindre 475 % cette année, selon le FMI, puis 1660 % en 2017.

Émission consacrée à la salsa

Visiblement peu inquiet, Nicolas Maduro a inauguré à la mi-journée sa nouvelle émission de radio quotidienne de deux heures consacrée à la musique salsa.

La procédure du Parlement intervient alors que le gouvernement et une partie de l'opposition sont tombés d'accord dans la nuit de dimanche à lundi sur un calendrier de discussions, sous les auspices du Vatican et de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR).

Si ces pourparlers ont partiellement fait retomber la tension, ils ont aussi mis en lumière les divisions de l'opposition, vaste coalition allant du centre à la droite : son aile dure, incarnée par la figure de l'antichavisme emprisonnée Leopoldo Lopez, rejette ces discussions et mise davantage sur la rue.

Les parties sont convenues de se retrouver le 11 novembre. Mais ces pourparlers restent fragiles, tant la méfiance est grande de part et d'autre.

La MUD, qui souligne que la viabilité du dialogue va dépendre des « gestes » du gouvernement, a annoncé lundi la libération de cinq opposants au président Maduro.

« On est en train de recueillir les premiers fruits de cette stratégie de dialogue. C'est important, mais pas suffisant. Il manque plus de 100 prisonniers politiques », a lancé mardi le porte-parole de la MUD, Jesus Torrealba.

En face, le président avait haussé le ton vendredi en menaçant de mettre en prison les dirigeants de l'opposition si une procédure était lancée contre lui au Parlement. Il n'est pas revenu depuis sur ses déclarations.

« S'il y a des fractures (...), la situation ne va pas changer au Venezuela. Les prochaines heures seront décisives », a mis en garde un des principaux leaders de la MUD Henrique Capriles.

Tiraillée entre ses différentes factions, l'opposition a néanmoins maintenu son appel à une « marche pacifique » jeudi vers le palais présidentiel de Miraflores, un lieu hautement symbolique : le 11 avril 2002, une manifestation y avait viré au coup d'État et le président Chavez en avait été délogé pendant trois jours.