Les élections présidentielle et législatives prévues dimanche en Haïti ont été reportées après le passage destructeur de l'ouragan Matthew dans le pays de la Caraïbe où les premiers tours de scrutin, tenus en 2015, avaient été annulés suite à des violences et des fraudes massives.

Les autorités ont une «évaluation à faire» après le passage du cyclone, a expliqué mercredi le président du conseil électoral provisoire (CEP) Léopold Berlanger.

Des consultations seront organisées «avec les autorités concernées, le pouvoir exécutif et les partenaires nationaux et internationaux pour, d'ici mercredi (12 octobre, ndlr) au plus tard, pouvoir donner une nouvelle date pour les élections».

L'Organisation des Etats Américains (OEA), qui a déployé une mission d'observation électorale dans le pays, «appuie» ce report, a-t-elle dit dans un communiqué.

Juan Raul Ferreira assure que la mission d'observation qu'il dirige «continuera de soutenir le processus électoral haïtien. Des observateurs seront redéployés lorsque les autorités auront décidé qu'elles seront en mesure de tenir les élections.»

Très vulnérable aux aléas climatiques en raison de l'importante déforestation et peinant encore à se relever du violent séisme de 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts, le pays le plus pauvre de la Caraïbe ne peut pas encore établir un bilan définitif du passage du cyclone Matthew, qui y a fait au moins dix morts.

La région du grand sud, la plus affectée par les intempéries, est coupée du reste du pays suite à l'effondrement d'un pont et aucun contact n'a encore pu être établi avec le département de la Grande Anse, dans le sud-ouest de l'île, qui se trouvait sur la trajectoire directe de l'ouragan Matthew.

«Dans la région du grand sud, nous savons déjà que beaucoup de bâtiments ont perdu leurs toitures et certains allaient être des centres de vote», a expliqué Léopold Berlanger lors d'une conférence de presse.

«Les membres du personnel des bureaux de votes peuvent aussi compter parmi les victimes ou les personnes déplacées», a ajouté le président du CEP.

Haïti est plongée dans une crise politique profonde depuis 2015, lorsque le pays s'est lancé dans un marathon électoral avec l'objectif d'élire sur trois journées l'ensemble des maires et députés du pays, deux tiers du sénat ainsi que le futur président.

Nouvelle épreuve 

Mais le premier tour de scrutin législatif, en août 2015, a été marqué par d'importantes violences et les élections ont dû être annulées dans près d'un quart des circonscriptions. Si la seconde journée de vote, le 25 octobre 2015, s'est elle déroulée sans incidents majeurs, les résultats du premier tour de la présidentielle ont entraîné de vives contestations.

L'opposition d'alors a multiplié les manifestations accusant le président de l'époque Michel Martelly de «coup d'état électoral» au profit de son poulain, Jovenel Moïse.

Les «fraudes massives» révélées par une commission indépendante d'évaluation électorale ont amené les autorités à annuler le vote et reprendre à zéro l'élection présidentielle.

Les deux nouveaux tours de scrutin avaient été fixés aux 9 octobre et 8 janvier 2017.

Vingt-sept candidats avaient prévu de se présenter dimanche pour la présidentielle, dont les principaux: Jovenel Moïse, 48 ans, qui représente le PHTK (Parti haïtien Tet Kale) et Jude Célestin, 54 ans, qui avait qualifié de «farce ridicule» les résultats de 2015 le plaçant en deuxième place et candidat sous la bannière de la Ligue alternative pour le progrès et l'émancipation haïtienne (Lapeh).

Le passage de l'ouragan Matthew sur Haïti est donc une nouvelle épreuve majeure pour le retour à l'ordre constitutionnel du pays qui, depuis février, est dirigé par un président provisoire dont le mandat était censé s'achever en juin.

Pour autant, le CEP a tenu mercredi à affirmer sa volonté de faire aboutir ce processus électoral entamé il y a plus d'un an et demi.

«Le processus électoral n'est pas interrompu: on avance et travaille de façon plus intensive pour régler tout ce que nous avions à faire, mais aussi tous ces nouveaux problèmes qui se posent», a conclu Léopold Berlanger.