Est-ce le début d'une nouvelle guerre entre cartels ? L'enlèvement d'un des fils du baron de la drogue Joaquin «El Chapo» Guzman par un cartel rival, lundi à Puerto Vallarta, fait surgir la crainte d'un déchaînement de violence entre groupes criminels au Mexique.

Jesus Alfredo Guzman Salazar, âgé de 29 ans, né de la première union du chef du cartel de Sinaloa, a été enlevé dans le bar d'un restaurant d'un quartier huppé de cette cité balnéaire, avec cinq autres personnes de son entourage, par des membres du cartel Jalisco Nouvelle Génération, ont confirmé mardi les autorités.

Les deux groupes criminels se connaissent bien. Le cartel de Jalisco Nouvelle Génération s'était imposé dans l'État de Jalisco en profitant de l'affaiblissement du cartel d'«El Chapo», après la mort de son leader local, Ignacio «Nacho» Coronel, abattu par les forces de l'ordre en 2010.

L'enlèvement de Jesus Guzman pourrait entraîner les deux cartels dans un cycle de violences sur fond de lutte pour le contrôle des routes de la drogue vers les États-Unis.

Jusqu'alors épargné par les violences entre narcotrafiquants, le petit État de Nayarit, qui sépare les États de Jalisco et Sinaloa, fiefs respectifs des deux gangs, pourrait devenir le théâtre de règlements de compte sanglants.

Les gouverneurs de ces trois États ont déjà exprimé leurs inquiétudes et des renforts ont été dépêchés mardi pour contrôler les routes qui traversent ce secteur en direction de Puerto Vallarta.

«Il y a coordination avec le gouvernement fédéral pour renforcer ces zones», a confirmé Aristoteles Sandoval, gouverneur de Jalisco.

Selon les chiffres officiels, plus de 166 000 personnes ont été assassinées et plus de 27 000 sont portées disparues au Mexique depuis le début de la guerre contre la drogue en 2006.

«Vous allez le payer cher»

«Vous allez le payer cher !», auraient lancé les ravisseurs à leurs rivaux en entrant dans le bar où ces derniers buvaient du champagne en compagnie de neuf femmes, toutes sorties indemnes de l'attaque, a rapporté le procureur de l'État de Jalisco, Eduardo Almaguer, en conférence de presse, faisant craindre une issue fatale à leur disparition.

«S'il l'utilise (le fils de Guzman) comme monnaie d'échange, cela pourrait rester tranquille, mais s'ils le liquident cela va être un chaos sur toute la côte pacifique», commente pour l'AFP José Reveles, journaliste et auteur de livres sur le narcotrafic.

Le cartel Jalisco Nouvelle Génération, dirigé par Nemesio Oceguera, «El Mencho», n'a cessé de gagner en puissance au cours des dernières années, tendant ses ramifications jusqu'en Asie ou en Europe, et n'hésitant plus à affronter les autorités mexicaines.

En 2015, ce gang avait abattu un hélicoptère militaire au lance-roquettes, tuant sept soldats. Aujourd'hui «El Mencho» est l'un des narcotrafiquants les plus recherchés et les plus craints du Mexique.

Mais l'arrestation de Guzman en janvier 2016, après son évasion rocambolesque d'une prison de haute sécurité par le biais d'un tunnel de plus d'un kilomètre, n'a pas affaibli le cartel de Sinaloa, selon M. Reveles.

Actuellement dirigé par un autre leader historique, le discret Ismael «El Mayo» Zambada, le cartel de Sinaloa pourrait affronter son rival qui n'est, jusqu'ici, jamais parvenu à s'implanter plus au nord que l'État de Nayarit.

Des luttes internes seraient toutefois apparues au sein du cartel de Sinaloa, Zambada goûtant peu le style de vie ostentatoire des fils d'«El Chapo», dans la lignée des projets hollywoodiens de leur père, actuellement en attente d'extradition vers les États-Unis.

L'hypothèse d'une dénonciation par Zambada lui-même pour se débarrasser de ce rival interne ne serait pas à exclure, selon Reveles. «C'est lui qui domine et il a déjà trahi des membres (de son cartel). Le fils d'»El Chapo» a commis l'erreur de se rendre en territoire ennemi et il en a peut-être profité».

Selon les premiers éléments de l'enquête, un des six hommes qui accompagnait Jesus Guzman aurait quitté les lieux juste avant l'enlèvement, ouvrant la voie à toutes les spéculations.

L'enlèvement intervient en outre après plusieurs incidents ayant touché des proches d'«El Chapo» au cours des derniers mois: l'attaque qui a visé le domicile de sa mère à la mi-juin (contestée par les autorités) et la mort, fin juillet, de deux proches.