Italo Ferreira fuyait la police dans une voiture qu'il venait de voler à São Paulo, la mégapole du Brésil : une balle dans la tête a interrompu sa course folle. Il avait dix ans.

La reconstitution du crime dimanche a exposé les fractures de la société brésilienne, l'une des plus inégalitaires du monde : alors que des habitants du quartier aisé de Morumbi manifestaient leur soutien aux policiers - qui font l'objet d'une enquête -, un groupe venu de la périphérie les insultait aux cris de « racistes et assassins! ».

Peu avant de mourir dans la nuit du 2 juin, Italo avait, avec un ami de 11 ans, sauté le mur d'une résidence du Morumbi et volé une Daihatsu avec laquelle les enfants ont réussi à parcourir 300 mètres.

La balle tirée par un policier, qui affirme avoir agi en légitime défense, a atteint Italo dans la tête, près de l'oeil gauche, selon les experts.

Exécution

Pour le médiateur de la police de São Paulo, ainsi que pour des représentants des droits de l'homme, il s'agit d'un homicide de plus dans une ville qui présente des statistiques très élevées de violences policières.

« Pour nous, il n'est pas crédible qu'un enfant de dix ans puisse conduire alors qu'on lui tire dessus, qu'il se serve d'une arme, ouvre la fenêtre pour tirer, puis la referme », déclare à l'AFP le défenseur des droits de São Paulo, Julio Fernandes Neves.

« Quand Italo est mort, la fenêtre de la voiture était fermée. Les policiers ont dit avoir agi en légitime défense. Il avait volé la voiture, oui. Mais, même s'il avait tiré il ne fallait pas le tuer, simplement l'arrêter », dit-il.

Jusqu'à présent, les expertises ont montré qu'aucun tir n'était parti de l'intérieur du véhicule. L'enfant avait des traces de poudre sur les deux mains, mais un gant qu'il portait n'en n'avait pas : les experts affirment que la scène du crime a été modifiée.

L'ami d'Italo qui a d'abord témoigné en faveur de la police s'est ensuite rétracté, assurant que les agents l'avaient menacé. L'enfant, âgé de 11 ans, est resté cinq heures seul avec eux lors de sa déclaration, une pratique illicite selon les experts.

L'enfant et sa famille ont été mis à l'abri dans le cadre du programme de protection aux enfants et adolescents menacés de mort.

Les pièces du puzzle ne s'emboîtent pas : aucune marque des trois balles qu'aurait tirées Italo, selon la police, n'a été trouvée et l'inspection de la police de São Paulo elle-même a ouvert une enquête.

Pour l'avocat responsable du dossier, Ariel de Castro Alves, membre du Conseil des droits de l'homme de São Paulo, « tout indique que les policiers ont exécuté l'enfant ».

Jeunes, pauvres et noirs

Italo était tout bébé quand sa mère a été incarcérée pour vol. Les femmes de la favela de São Paulo où il vivait se relayaient pour l'allaiter.

Cet enfant noir et pauvre avait déjà été retrouvé abandonné, pieds nus et affamé, selon les registres de la police. À dix ans, il accumulait vols et cambriolage, mais « jamais avec violence », explique Ariel de Castro Alves à l'AFP.

Son cas est semblable à celui de milliers d'enfants pauvres de ce pays de 204 millions d'habitants avec d'énormes inégalités sociales et où la violence urbaine est endémique.

L'organisation de défense des droits de l'homme Amnistie internationale affirmait récemment que les « graves bavures » policières au Brésil touchent principalement les jeunes Noirs des favelas et restent le plus souvent impunies.

Et selon l'ONG Foro Brasileiro de sécurité publique, les polices des États de São Paulo, Rio de Janeiro et Bahia sont celles qui tuent le plus dans leurs opérations contre le crime.

Selon le dernier annuaire de Foro, les forces brésiliennes de sécurité ont été responsables en 2014 d'au moins 5,3 % des 58 559 homicides commis cette année-là.