Le Venezuela de Nicolas Maduro a fait un pas de plus vers l'autoritarisme en étendant lundi ses pouvoirs en matière de sécurité, de distribution alimentaire et énergétique, après la proclamation de «l'état d'exception» par son président.

Pendant ce temps, l'opposition appelait à descendre dans la rue pour réclamer un référendum pour destituer Nicolas Maduro dans un scénario rappelant en partie celui du Brésil.

Coupures d'électricité quotidiennes, services publics ouverts uniquement deux jours par semaine, pillages de commerces, pénuries et lynchages: ce pays pétrolier sombre chaque jour un peu plus dans la crise politique, économique et sociale depuis la victoire d'une coalition d'opposition aux élections législatives, fin 2015.

Le bras de fer entre chavistes (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013 et mentor de Nicolas Maduro) et anti-chavistes s'est intensifié depuis que l'opposition a rassemblé début mai 1,8 million de signatures pour lancer le processus du référendum pour révoquer le président, qu'elle espère organiser d'ici fin 2016.

Dénonçant des «menaces extérieures», le socialiste Maduro a décrété «l'état d'exception», annoncé la saisie d'usines et ordonné «des exercices militaires nationaux des Forces armées, du peuple et de la milice» pour se «préparer à n'importe quel scénario».

À travers le décret publié lundi, le gouvernement étend durant 60 jours ses prérogatives en matière de sécurité et de distribution alimentaire: l'armée et la police ont pour ordre de «garantir la distribution et la commercialisation des aliments et produits de première nécessité».

Des comités locaux de citoyens, récemment créés, se voient dotés de pouvoirs de «surveillance» et de «maintien de l'ordre» pour «garantir la sécurité et la souveraineté du pays».

Certains experts soulignent le risque pour les libertés individuelles et pointent le risque d'affrontements civils.

Côté distribution et gestion énergétique, le dirigeant vénézuélien a désormais la faculté de réguler la journée de travail dans le secteur privé, et plus seulement dans le public, où les services ne sont ouverts que deux jours par semaine, jusqu'au 27 mai, pour économiser de l'énergie.

«Ce gouvernement agit de manière autoritaire pour se maintenir au pouvoir», a déclaré lundi le député d'opposition Tomas Guanipa.

Risque «d'explosion» du pays 

Le vice-président Aristobulo Isturiz a tenté ce week-end de doucher les espoirs de la coalition d'opposition de la Table pour l'unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, en rejetant dimanche toute possibilité de référendum de destitution.

«(Nicolas) Maduro ne va pas quitter le pouvoir à la suite du référendum parce qu'il n'y aura pas de référendum», les responsables de l'opposition «s'y sont pris trop tard, trop mal et en commettant des fraudes», a-t-il déclaré lors d'un rassemblement de soutien à Dilma Rousseff.

Le gouvernement chaviste fait le parallèle entre le Venezuela et le Brésil, où la présidente de gauche a été écartée du pouvoir par le Parlement. Et accuse l'opposition de préparer un «coup d'État» institutionnel contre Nicolas Maduro.

Les autorités électorales doivent encore se prononcer officiellement sur la recevabilité du projet de référendum alors qu'un des chefs de l'opposition, Henrique Capriles, a appelé à de nouvelles manifestations dans tout le pays, mercredi devant les instances électorales.

Mercredi dernier, lors de mobilisations avec le même mot d'ordre, les forces de l'ordre avaient bloqué des rues.

A l'image de l'opposition, les experts pointent le risque «d'explosion» du pays alors que sept Vénézuéliens sur dix réprouvent la gestion de leur président, selon un sondage de l'institut Venebarometro.

Le chef de l'État vénézuélien accuse les États-Unis de vouloir «en finir avec les courants progressistes en Amérique latine» tandis que Washington, qui nie tenter d'influencer le cours des événements au Venezuela, a fait part de sa préoccupation lundi.

«Les conditions de vie pour les Vénézuéliens sont terribles,» a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest, décrivant certaines situations de chaos «impressionnantes». «Il est temps pour les dirigeants d'entendre les différentes voix au Venezuela et de travailler ensemble afin de trouver de vraies solutions», a-t-il ajouté.

Le pays a subi en 2015 une inflation de 180,9%, une des plus élevées au monde, et un recul du PIB de 5,7%, pour la deuxième année consécutive.