La justice brésilienne a reporté une nouvelle fois mercredi sa décision sur l'entrée ou non de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva au gouvernement fantôme de Dilma Rousseff qu'il était censé sauver de la destitution.

«À la majorité, la Cour a décidé de repousser sa décision» et d'analyser les recours présentés devant ce tribunal sur cette affaire en une seule séance, a déclaré le président de la plus haute instance juridique, Ricardo Lewandowski.

Les juges n'ont pas fixé de nouvelle date.

Les hauts magistrats devaient se prononcer sur la légalité de la nomination de Lula comme chef de cabinet (quasi-premier ministre) de Dilma Rousseff le 16 mars, alors qu'il était sous la menace d'un placement en détention par le juge Sergio Moro.

Ce dernier le soupçonne de corruption dans le cadre du scandale Petrobras, la compagnie publique pétrolière.

Au gouvernement, Lula était censé peser de tout son charisme et de ses talents de négociateurs pour dissuader un nombre suffisant de députés de voter dimanche dernier pour la destitution de son héritière politique.

Cette nomination lui permettait de gagner au passage une immunité le protégeant de la justice ordinaire. Un juge du tribunal suprême fédéral (STF) qui y a vu un possible «subterfuge» a bloqué cette nomination en référé.

La décision finale interviendra sans doute trop tard pour Dilma Rousseff, qui se dit victime d'un «coup d'État» institutionnel et dont le mandat ne tient désormais plus qu'à un fil devant le sénat.

D'ici le 11 mai, il y suffira d'un vote à la majorité simple, considéré comme très probable, pour prononcer sa mise en accusation pour maquillage des comptes publics et l'écarter du pouvoir pour au maximum six mois avant le jugement final.

Son ex-allié et désormais rival, le vice-président Michel Temer, assumerait alors immédiatement ses fonctions. Il consulte déjà pour former un gouvernement.

Dilma à New York

En plein impeachment, Dilma Rousseff, se rendra jeudi à New York pour signer un traité sur le changement climatique à l'ONU et probablement profiter de cette tribune pour plaider sa cause.

Pendant ce voyage, elle laissera les rênes du pays au vice-président Temer.

«Le voyage est prévu et une équipe est déjà partie pour les préparatifs», a déclaré mercredi à l'AFP le service de presse du palais présidentiel du Planalto.

Après la signature de l'accord international conclu lors de la conférence sur le climat à Paris en 2015 (COP21), la présidente reviendra dès vendredi soir ou samedi matin, selon cette source.

Lula devra donc continuer à aider Dilma Rousseff et à songer à son propre avenir hors du gouvernement.

Il a participé mardi à Sao Paulo à une réunion de la direction nationale du Parti des travailleurs (PT) qu'il a fondé et porté au pouvoir.

«Tant Lula comme nous autres pensons qu'il sera très difficile de gagner au sénat parce que les partis qui ont voté contre nous à l'assemblée auront la même attitude», a déclaré mardi soir à l'AFP un participant à cette réunion, le député Zé Geraldo.

«Je crois qu'à ce stade, le fait que Lula entre ou non au gouvernement ne fera pas une grande différence», a abondé Sergio Praça, analyste politique à la Fondation Getulio Vargas.

«Le serpent est toujours en vie!» 

«Beaucoup de choses se sont passées ces dernières semaines et le fait qu'il n'ait pas été autorisé à prendre ses fonctions a créé un choc, une surprise qui a eu des conséquences gigantesques pour le gouvernement» de Dilma Rousseff, a-t-il ajouté.

Mais après «Dilma», Lula reste l'homme à abattre pour ses nombreux adversaires.

«Le serpent est toujours en vie!», a-t-il lui-même grondé récemment dans son style inimitable.

Malgré ses ennuis judiciaires, il arriverait avec 21% des voix en tête au premier tour de l'élection présidentielle de 2018 à laquelle, à 70 ans, il est déjà pré-candidat, selon un sondage Datafolha du 10 avril.

Il devancerait l'écologiste Marina Silva (19%) et le chef de l'opposition de centre-droit Aecio Neves (17%), rival malheureux de Mme Rousseff en 2014, et de très loin le vice-président Temer (1 à 2%).

«Il a beaucoup de charisme, il a dirigé un gouvernement très populaire. Mais je ne crois pas qu'il pourra gagner à nouveau en 2018 parce qu'il suscite aussi maintenant un rejet très important», souligne Sergio Praça.