Le sort de la présidente du Brésil Dilma Rousseff est depuis vendredi matin entre les mains des députés qui débattent de son éventuelle destitution, une session-marathon de trois jours qui constitue l'un des chapitres les plus dramatiques de l'histoire de cette jeune démocratie.

La séance a commencé par la lecture du compte-rendu des faits, puis le président de la Chambre et ennemi juré de Dilma Rousseff, Eduardo Cunha, a ouvert les débats.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, la présidente de gauche, accusée par l'opposition de maquillage des comptes publics, n'est pas parvenue à faire bloquer par la justice la procédure de destitution qui donnera lieu dimanche à un vote des députés.

Au terme de huit heures de délibérations, la majorité des juges du Tribunal suprême brésilien ont rejeté en pleine nuit un recours présenté jeudi par le défenseur de Mme Rousseff qui réclamait l'annulation de la procédure.

Les députés ont donc commencé vendredi leurs débats, dans une ambiance très tendue, sur le sort à réserver à la présidente.

L'opposition devra rallier les suffrages des deux tiers des membres de la chambre basse (342 sur 513) pour que sa destitution soit soumise à l'approbation du Sénat.

Dans le cas contraire, la procédure serait automatiquement enterrée et Mme Rousseff sauverait son mandat.

En cas de vote défavorable des députés, la situation deviendrait extrêmement critique pour elle. Il suffirait en effet, courant mai, d'un vote à la majorité simple des sénateurs pour prononcer sa mise en accusation.

Espoir ténu

Mme Rousseff serait alors écartée du pouvoir pendant un délai maximum de 180 jours dans l'attente d'un jugement final.

Le vice-président Michel Temer, qui brigue son fauteuil, assumerait dans l'intervalle ses fonctions et aurait toute latitude pour former un gouvernement de transition.

Mme Rousseff, qui promet de «lutter jusqu'à la dernière minute, est confrontée depuis mardi à une cascade de défections au sein de sa coalition.

La présidente s'accroche à l'espoir ténu d'obtenir dimanche le vote d'un tiers des députés (172 ) en sa faveur. Cela lui suffirait pour faire avorter la procédure de destitution.

Outre le soutien en bloc des 57 députés de son Parti des travailleurs (PT) et des petits partis d'extrême gauche, elle mise sur la fidélité de certains députés de centre droit en désaccord avec l'orientation de leurs formations en faveur de la destitution.

Mais l'opposition affirme déjà pouvoir compter sur plus des 342 votes requis pour le renvoi de la procédure au Sénat.

«Mur de Berlin»

Une barrière de deux mètres de haut et d'un kilomètre de long a été érigée par les autorités devant le Congrès des députés pour séparer les manifestants partisans de la destitution de ceux opposés au «putsch» et éviter des affrontements au cours de ce week-end historique.

«Ici, c'est le mur de Berlin, côté occidental», pouvait-on lire sur une pancarte collée du côté de la barrière assignée aux opposants à la présidente.

Jeudi à la nuit tombée, 200 manifestants réclamaient déjà bruyamment la «destitution immédiate» de Mme Rousseff sur l'Esplanade des ministères. Un camion sonorisé chauffait l'ambiance.

À quelques kilomètres de là, un demi-millier de défenseurs de la présidente campaient sous des tentes dans une enceinte sportive voisine du stade Mané Garrincha.

«Nous sommes déjà 500, mais d'ici la fin de la semaine, nous serons plus de 100 000 pour faire barrage à ce coup d'État», a déclaré à l'AFP le syndicaliste Paulo Joao Estausia, venu de São Paulo.

La présidente est accusée par l'opposition d'avoir procédé à des tours de passe-passe budgétaire pour minimiser l'ampleur des déficits publics et de la récession économique en 2014, l'année de sa réélection, et en 2015.

Mme Rousseff conteste que ces pratiques, semblables à celles observées par ses prédécesseurs, constituent un «crime de responsabilité» susceptible de motiver sa destitution.

Elle se dit victime d'une tentative de «coup d'État» institutionnel émanant d'une opposition conservatrice n'ayant pas accepté sa défaite électorale de 2014.

Photo Eraldo Peres Associated Press

La présidente du Brésil Dilma Rousseff.