Au dernier jour d'une visite historique, Barack Obama a appelé mardi les Cubains à enterrer le dernier vestige de la Guerre froide avant d'assister, au côté de Raul Castro tout sourire, à un match de baseball, passion cubaine autant qu'américaine.

«Je pense que les citoyens devraient être libres d'exprimer leurs opinions sans peur», a lancé le président des États-Unis, dans un discours centré sur la réconciliation entre les deux anciens pays ennemis, retransmis en direct à la télévision cubaine.

Assis dans une loge en hauteur, face à la scène, son homologue cubain Raul Castro, 84 ans, avec lequel il a engagé il y a 15 mois un rapprochement longtemps inimaginable, est resté largement impassible face à ces piques, applaudissant cependant à l'évocation de Nelson Mandela.

Insistant sur ce qui unit Cubains et Américains, défendant le réchauffement des relations entre les deux pays, figées depuis la révolution castriste de 1959, M. Obama a prononcé un véritable plaidoyer pour les libertés dans le pays communiste.

«Je crois que les électeurs devraient pouvoir choisir leur gouvernement dans des élections libres et démocratiques», a-t-il martelé, sous les applaudissements d'une partie de la salle.

«J'ai clairement dit que les États-Unis n'avaient ni la capacité ni l'intention d'imposer des changements à Cuba», a-t-il ajouté. «Les changements à venir dépendront du peuple cubain».

«Il a touché les Cubains»

Evoquant les critiques récurrentes de La Havane sur les dysfonctionnements et les injustices de la société américaine, M. Obama a reconnu que certaines d'entre elles étaient fondées.

«Ce n'est pas facile. Nous avons encore d'énormes problèmes», a-t-il dit. «Mais nous travaillons à les résoudre par le biais de la démocratie», a-t-il insisté à l'attention du régime cubain de parti unique.

Le président a reçu une salve d'applaudissements lorsqu'il a appelé le Congrès américain à lever l'embargo qui étrangle l'économie cubaine depuis 1962.

«C'est un poids pour le peuple cubain et cela n'a plus lieu d'être», a-t-il lancé. «C'est un poids pour les Américains qui veulent travailler et investir à Cuba», a-t-il ajouté. «Il est temps de le lever!».

«Si se puede!» («Oui, c'est possible»), a-t-il conclu, en allusion à son célébrissime slogan électoral «Yes we can!».

Barack Obama n'a cependant pas pu prendre un bain de foule à son arrivée ou à sa sortie du grand théâtre Alicia Alonso: les rues de la vieille Havane étaient totalement désertes, sous bonne garde de la sécurité d'État.

Pour Lazaro Bosch, un employé portuaire de 62 ans, «Obama a touché les Cubains» avec son discours. «Nous l'avons écouté avec attention mais, comme il l'a dit, les problèmes de Cuba seront résolus par les Cubains».

À l'issue de son allocution, il a néanmoins rencontré un groupe d'une douzaine d'opposants cubains à l'ambassade des États-Unis.

«Tous les individus autour de cette table ont fait preuve d'un courage extraordinaire», a-t-il souligné au début de cette rencontre.

Parmi les invités, le dissident modéré Manuel Cuesta Morua a déclaré à l'AFP que la rencontre avait été «très positive». «Il a clairement indiqué qu'il continuerait à appuyer ce type de lutte pacifique et a condamné les violences contre la société civile», a-t-il ajouté.

Etait également présente Berta Soler, du mouvement dissident des Bames en blanc, qui avait été brièvement interpellée dimanche par la police quelques heures avant l'arrivée du président américain.

Obama et Castro font la ola 

Autre image forte de ce séjour de trois jours: MM. Obama et Castro se sont retrouvés en milieu d'après-midi dans un stade bondé, sans cravate mais avec lunettes de soleil, pour un match de baseball, passion partagée des deux côtés du détroit de Floride.

Barack Obama et Raul Castro, de 30 ans son aîné, ont participé ensemble à une ola qui a enflammé le stade.

Pour les franchises de la puissante Ligue majeure de Baseball (MLB), Cuba est un Eldorado auquel elles ont pour l'instant un accès limité mais qui pourrait devenir un pourvoyeur quasi-inépuisable de talents.

Une minute de silence a été observée en hommage aux victimes des attentats de Bruxelles avant le début du match entre un club de Floride, les Rays de Tampa Bay, et l'équipe nationale cubaine.

Le président américain a quitté le match avant sa conclusion pour rejoindre l'aéroport Jose Marti.

Raul Castro, qui ne s'était pas déplacé lors de l'arrivée dimanche soir, l'a accompagné mardi. Très décontracté, le président octogénaire a longuement serré la main de Barack Obama, mais aussi de sa femme Michelle et de leurs deux filles, Malia et Sasha.

Air Force One a décollé peu après 16h00 pour rejoindre l'Argentine, deuxième et dernière étape du voyage présidentiel.

PHOTO REUTERS

MM. Obama et Castro se sont retrouvés en milieu d'après-midi dans un stade de baseball bondé.