La présidente brésilienne Dilma Rousseff était suspendue lundi aux travaux des députés qui examinaient sa demande de destitution, alors que son mentor et prédécesseur, l'ex-président Lula, cherchait à se prémunir en justice contre un éventuel placement en détention.

La présidente de gauche, qui dénonce une tentative de «coup d'État» institutionnel, se débat au milieu d'une énorme tempête politique envenimée par le scandale de corruption Petrobras, sur fond de récession économique.

A cinq mois des JO de Rio de Janeiro, le Comité international olympique (CIO) a reconnu suivre «de très près les événements politiques», tout se disant «très confiant» dans la capacité du pays à organiser des «Jeux dont tout le pays sera fier».

Alors que des manifestants anti-Rousseff faisaient dans la soirée le siège du palais présidentiel, la Commission de députés chargée de rendre un premier avis sur la destitution de Mme Rousseff avait repris ses travaux entamés vendredi, dans un climat de tension.

La procédure de destitution lancée en décembre contre la présidente porte exclusivement à l'origine sur des accusations de maquillage de comptes publics pour dissimuler l'ampleur des déficits et favoriser la réélection de Mme Rousseff en 2014.

Mais les députés de droite bataillaient pour qu'y soient jointes les accusations récentes de l'ancien chef du groupe sénatorial du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir qui a passé un accord de coopération avec les enquêteurs du scandale Petrobras en échange d'une remise de peine.

Delcidio Amaral affirme que la présidente, à défaut de s'être enrichie, a «hérité et bénéficié directement» du réseau de pots-de-vin tissé autour de Petrobras pour le financement de ses campagnes électorales en 2010 et 2014. L'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) «dirigeait le système» et Mme Rousseff «savait tout», a-t-il réitéré ce week-end dans une interview à l'hebdomadaire conservateur Veja.

Cela «n'a aucun sens. On ne peut rien rajouter de plus. Les accusations de maquillage de comptes publics n'ont rien à voir avec les dénonciations de Delcidio (Amaral)», a soutenu Chico Alencar, député d'extrême gauche.

«Aggraver la crise de la Nation»

Le président de la Commission, Rogério Rosso, a de son côté appelé à la prudence: «Si nous ne prêtons pas une attention absolue au respect des processus légaux, nous pouvons encore aggraver la crise de la Nation».

La Commission doit rendre d'ici un mois un rapport préconisant ou non la destitution de la présidente. Deux tiers des votes des députés en assemblée plénière, puis autant des sénateurs, seraient ensuite nécessaires pour écarter Mme Rousseff du pouvoir.

Des organisations et personnalités de premier plan militent publiquement pour la destitution de Mme Rousseff, notamment la Fédération des industries de Sao Paulo (Fiesp), l'Ordre général des avocats (OAB) ainsi que l'ex-président social-démocrate Fernando Henrique Cardoso (1995-2002).

Quelque 68% des Brésiliens sont favorables à une destitution de Mme Rousseff, soit huit points de plus qu'en février, selon un sondage Datafolha publié samedi.

Quasiment deux tiers (62%) des députés pensent que la présidente sera destituée, soit trois fois plus qu'en février selon un sondage.

Dans la soirée, Lula s'est réuni avec Dilma Rousseff à sa résidence, a constaté l'AFP.

Il est à la manoeuvre pour tenter d'éloigner la menace d'un placement en détention par le juge Sergio Moro, qui le soupçonne de «corruption» dans l'enquête Petrobras.

L'ex-président pensait y avoir échappé en intégrant le gouvernement la semaine dernière, puisqu'il n'aurait plus à répondre pénalement de ses actes que devant le Tribunal suprême fédéral (STF).

Mais vendredi soir, un juge du STF a confirmé des décisions antérieures de juges de rang inférieur, en suspendant son entrée au gouvernement, pour possible entrave à la justice, en attendant un jugement définitif du tribunal.

Le magistrat a en outre ordonné le renvoi de l'enquête visant Lula au juge Moro.

Les avocats de Lula ont présenté dimanche au STF une demande d'habeas corpus, qui repose sur le droit fondamental d'un individu de ne pas être emprisonné sans jugement.

Ils réclament une réunion d'urgence de la plus haute juridiction du pays pour éviter son placement en détention, mais celle-ci ne doit en théorie pas de réunir avant le 30 mars pour cause de vacances de Pâques.

L'enquête Petrobras a encore rebondi, avec l'arrestation à Lisbonne de l'homme d'affaires luso-brésilien Raul Schmidt Felippe Junior, qui avait fui le Brésil en juillet 2015.

Le groupe Petrobras a annoncé lundi des pertes records de 34,8 milliards de réais (12,5 milliards de dollars) en 2015, principalement dues à l'effondrement des cours du brut.